Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) dresse ce mardi un bilan de la surveillance épidémiologique du Chikungunya dans les départements français d’Amérique. Selon Martine Ledrans et coll., l’émergence du virus dans la Caraïbe et la présence du vecteur dans les pays continentaux tropicaux et subtropicaux de la zone des Amériques constituent une « menace sanitaire d’envergure ».
L’alerte internationale lancée le 6 décembre 2013 par les autorités sanitaires françaises a d’ailleurs été relayée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par l’organisation panaméricaine (Pan American Health Organisation). Elle faisait suite à la découverte d’une transmission autochtone du Chikungunya dans l’île de Saint-Martin. Jusqu’à novembre 2013, les Amériques étaient réputées indemnes de Chikungunya.
Les différentes souches connues
Cette arbovirose due à un alphavirus de la famille des Togaviridés (CHIKV) est transmise par les moustiques, principalement Aedes aegypti et Aedes albopictus, a d’abord été identifiée dans certains pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Ouest, avec parfois de longues périodes de silence de 20 à 30 ans entre les épidémies. Il émerge ensuite début 2005 dans l’océan Indien (Réunion et Mayotte) provoquant « une épidémie d’une ampleur exceptionnelle de plusieurs centaines de milliers de cas », soulignent Ledrans et coll. L’épidémie à la Réunion qui se caractérisait par des formes cliniques atypiques, une gravité plus importante que rapportée jusque-là et une transmission materno-fœtale possible.
À l’occasion de cette épidémie, un programme de surveillance, d’alerte et de gestion de l’émergence du chikungunya avait été mis en place dans les DFA (Psage-chikungunya) en raison de la présence du moustique Aedes aegypti. La souche responsable de l’épidémie à la Réunion appartient au phylogroupe Afrique de l’Est/Centrale/Sud, un des 3 groupes connus avec le phylogroupe Asie et le phylogroupe Afrique de l’Ouest. Au cours de l’épidémie, cette souche a muté (mutation sur le gène codant une protéine d’enveloppe), ce qui facilitait l’infection d’Aedes albopictus, le moustique vecteur impliqué dans la transmission à la Réunion.
Un virus différent de celui de la Réunion
L’analyse phylogénétique du virus identifié à Saint-Martin montre que l’épidémie actuelle est due à une souche appartenant au phylogroupe Asie, elle-même liée à des souches ayant circulé en Indonésie (2007), en Chine (2012) et aux Philippines (2013). Le vecteur présent est Aedes aegypti. Dans les DFA, la situation qui a rapidement évolué vers une épidémie à Saint-Martin et à Saint-Bartélemy du fait de la superficie réduite des deux îles (87 km2 et 21 km2) semble marquée le pas. En Martinique et en Guadeloupe, la circulation est encore très active et l’arrivée de la saison des pluies (juillet-novembre) fait craindre une expansion de l’épidémie (c’est au cours de cette période que sont observés les pics au cours des épidémies de dengue transmise aussi par Aedes aegypti. Selon les auteurs, il est difficile de dire si l’évolution sera la même qu’à la Réunion. « Nous ne sommes en présence ni du même moustique, ni de la même souche virale, ce qui peut entraîner une différence dans la compétence du moustique vis-à-vis de la souche virale », expliquent-ils. Les facteurs climatiques et les mesures mises en place très précocement pourraient induire une évolution différente. Plus de 90 000 personnes ont été touchées en Guadeloupe et en Martinique depuis le début de l’épidémie en décembre. Des cas sévères ont été décrits, de même que des cas de transmission materno-infantile.
L’épidémie s’étend dans la Caraïbe
En revanche, d’autres territoires de la Caraïbe sont déjà touchés. Sint Maarten (partie hollandaise de Saint-Martin), les Îles vierges britanniques, Anguilla, Saint Kitts et Nevis, La Dominique, la République dominicaine, Antigua et Barbade, Saint-Vincent et les Grenadines, Haïti. L’OPS annonce près de 62 000 cas suspects et 4 350 cas confirmés dont 13 décès.
Sur le continent américain, aucune circulation autochtone n’a été rapportée en dehors de la Guyane qui reste en phase de circulation modérée. « Des rassemblements de population, tels que la Coupe du monde de football en juin 2014 au Brésil, constituent des situations favorables à la diffusion virale et nécessitent des mesures de prévention spécifique », préviennent les auteurs. Plus globalement, « l’introduction du CHIkV dans ces pays très peuplés et vis-à-vis duquel la population est totalement naïve représente une menace sanitaire d’envergure et justifie l’alerte et les recommandations lancées par l’OPS », poursuivent-ils. La menace s’applique aussi à l’Europe et en particulier à la France qui est une zone d’échanges privilégiés avec la Caraïbe.
Déjà une épidémie en Italie
À la fin de l’épidémie à la Réunion et à Mayotte, on notait une circulation active du virus en Inde. « En 2007, un voyageur en provenance du Kerala a été à l’origine de la première incursion du virus en Europe, avec la survenue d’une poussée épidémique en Italie », rappellent les auteurs dans le « BEH ». Aedes albopictus est implanté dans le sud de l’Europe et conquiert chaque année de nouveaux territoires. Des cas autochtones ont déjà été signalés en France (2 cas dans le Var en 2010 dus à la souche non mutée qui a circulé dans l’océan Indien en 2005).
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