Lors du traitement d’un patient souffrant d’une déficience motrice ou cognitive, l’équipe de rééducation doit tenir compte du projet de vie exprimé par la personne et l’intégrer dans le programme de soins. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée, précise que « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quelles que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie », et que « les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ».
Les moyens et les solutions technologiques pour répondre à la mission de compensation du handicap existent, mais leurs conditions administratives d’attribution et de prise en charge n’autorisent pas leur mise à disposition au moment optimal dans le parcours de soin du patient.
En début de rééducation, la récupération de la déficience repose sur des protocoles de traitement bien codifiés, spécifiques à la lésion mais généralement non spécifiques aux environnements et au projet de vie du patient. Ils reposent sur des actes de kinésithérapie, d’ergothérapie, de neuropsychologue, d’orthophoniste… et peuvent nécessiter des dispositifs médicaux (DM) standards. Afin d’augmenter les capacités du patient dans des activités indispensables à son autonomie, celui-ci sera entraîné dans des environnements standardisés et non spécifiques à son projet de vie. Ensuite, progressivement, les facteurs environnementaux sont introduits de façon à confronter la personne aux situations réelles de vie.
Les compensations alors nécessaires doivent être personnalisées, contextualisées aux environnements et aux projets d’activités. Ces DM, le plus souvent sur-mesure, forment avec le patient un couple unique « sujet/dispositif médical » qui requiert un entraînement par une rééducation personnalisée et régulièrement adaptée. Par exemple, lors d’un handicap moteur chez une personne amputée de membre inférieur, les nouvelles exo-prothèses bioniques de membre comportent des articulations artificielles qui peuvent s’auto-adapter intelligemment à l’environnement : monter un escalier, marcher sur un plan incliné ou un terrain instable, s’asseoir, pratiquer un sport… La maîtrise de leur utilisation, avec une charge mentale minimale, impose un réglage minutieux et un apprentissage spécialisé et personnalisé par des équipes expérimentées.
Les centres de rééducation spécialisés possèdent des équipes compétentes et rompues à ces nouvelles technologies qui sont efficaces pour réduire les situations de handicaps moteurs et cognitifs, mais la législation actuelle ne permet pas l’accès aux DM durant la phase hospitalière. Le coût de ces DM, inscrits sur la liste des produits et des prestations (LPP), doit en effet être supporté par l’établissement lors de la prise en charge d’un patient en centre de rééducation en soin de suite et de réadaptation (SSR). Imaginez la position de l’établissement face à un dispositif spécifique qui coûte plusieurs milliers d’euros, qui demande un apprentissage de quelques semaines en centre spécialisé, qui a une durée de vie de 3 à 6 ans… et qui est entièrement financé par la Sécurité sociale s’il est prescrit en dehors de la rééducation ! La prothèse ou l’assistance technologique sera alors fournie avec retard, lorsque le patient sera sorti de l’établissement, avec des difficultés supplémentaires d’apprentissage et un surcoût pour la société.
Les aménagements de domicile mais aussi des DM non-inscrits à la LPP nécessitent l’obtention de la prestation de compensation du handicap (PCH) par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Il faut attendre souvent plusieurs mois (et avec une grande inégalité selon les territoires) et, de plus, les personnes en situation de handicap ne sont pas autorisées à faire l’avance des dépenses sous peine de rendre caduque leur demande.
Le cloisonnement des secteurs (avec leurs règles différentes de financement) est à l’origine de retard, de rupture dans l’offre de compensation du handicap et de surcoût global pour l’Assurance-maladie. Ceci est d’autant plus regrettable que les DM efficaces existent et que la dépense finit par être engendrée…
Actuellement encore, 10 ans après la loi du 11 février 2005 et malgré la mission de décloisonnement ayant présidé à la création des ARS, la compensation du handicap survient trop tardivement et en dehors de la prise en charge en rééducation spécifique. La fondation Jacques Chirac** abordera ces thèmes, le 5 février 2015, au cours de son 5e colloque : « La loi sur le handicap, quel bilan ? » Des réflexions et propositions seront faites pour aider à respecter la loi, à savoir « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
* MPR-IRR de Nancy-UGECAM du Nord-Est
** Inscriptions sur www.fondationjacqueschirac.fr
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