La fertilité masculine diminue, confirme une revue systématique parue dans « Human Reproduction Update », qui met en évidence un phénomène mondial.
« Cette étude, très intéressante au vu du nombre d'articles analysés et de la méthodologie employée, montre aussi un point important : le déclin s'accélère », commente auprès du « Quotidien » le Pr Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction de l’hôpital Foch de Suresnes.
Les chercheurs ont pris en compte les données de 53 pays de tous les continents entre 1973 et 2018. Ce travail vient compléter un premier état des lieux paru en 2017 réalisé par la même équipe sur la période 1973-2011. Ce travail ne prenait en compte que les pays d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Australie, faute de données pour les pays d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale, d'Asie et d'Afrique.
Cette étude est ainsi la première « à examiner les tendances mondiales de la qualité du sperme au cours des dernières années et la première à démontrer une baisse du nombre de spermatozoïdes chez les hommes d'Amérique du Sud et centrale, d'Asie et d'Afrique », indique au « Quotidien » le Dr Hagai Levine, médecin de santé publique israélien et premier auteur de l'étude.
Un déclin de 62,3 % du nombre total de spermatozoïdes
Cette nouvelle étude a ainsi porté sur les données de la méta-analyse de 2017 combinées à de nouvelles données, soit sur les résultats de 223 études au total, basées sur des échantillons de sperme collectés entre 1973 et 2018. « L'augmentation des données et de la puissance statistique nous a permis, pour la première fois, d'évaluer les tendances au XXIe siècle, jusqu'en 2018 », souligne le Dr Levine.
Au cours de la période 1973-2018 et à l'échelle mondiale, la concentration plasmatique de spermatozoïdes a diminué de 51,6 % et le nombre total de spermatozoïdes de 62,3 %. De plus, le déclin de la concentration plasmatique par an a doublé, passant de 1,16 % après 1972 à 2,64 % après 2000.
Si la baisse du nombre de spermatozoïdes n'est pas nécessairement synonyme d'infertilité, le Pr Ayoubi rappelle qu'un nombre réduit de spermatozoïdes est toutefois associé à une moindre chance de fécondation. Et pour le Dr Levine, au-delà de la fertilité, « le nombre de spermatozoïdes est un indicateur de la santé globale des hommes, de faibles niveaux étant associés à un risque accru de maladie chronique, de cancer des testicules et à une durée de vie réduite ».
Promouvoir la recherche sur les causes
L'étude en question n'a pas étudié les causes du déclin du nombre de spermatozoïdes mais certaines sont bien connues et même évitables. « Le tabac, nos modes de vie sédentaires, l'exposition aux perturbateurs endocriniens et à certains médicaments et à leurs métabolites sont des causes identifiées d'altération de la fertilité, mais d'autres causes moins évidentes restent à découvrir », souligne le Pr Ayoubi. Les causes d'infertilité féminine sont souvent similaires. « Et aux causes environnementales s'ajoutent les causes sociétales, comme l'avancement en âge de la première grossesse », ajoute le gynécologue.
Le Pr Ayoubi appelle ainsi à promouvoir la recherche pour mieux comprendre les causes de l'infertilité, les traiter et les éviter. « Cette étude devrait servir de signal d'alarme pour les cliniciens, les chercheurs, les gouvernements et le public, pour faire face à ce phénomène, en investissant dans la recherche de causes inconnues et en atténuant les causes connues », abonde aussi le Dr Levine.
En France, le sujet de l'infertilité est au cœur des préoccupations alors qu'un rapport du Pr Samir Hamamah, responsable du département de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier, et de Salomé Berlioux, autrice d’un roman inspiré de son parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP), a été remis au ministre de la Santé en début d'année et qu'une stratégie nationale est attendue prochainement. « Ce rapport a mis en évidence trois piliers : la recherche, la formation des professionnels et l'information des patients », liste le Pr Ayoubi, ajoutant qu'un institut national de la fertilité devrait par ailleurs voir le jour.
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