DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
AU QUATRIÈME JOUR DU STAGE que le Pr Eric Lapeyre, chef de service en médecine physique et de rééducation à l’hôpital militaire Percy de Clamart et natif de la côte basque, a imaginé, les 14 blessés de guerre qui y prenaient part avaient bien conscience que le programme du mercredi serait le plus éprouvant.
9 h, Saint-Jean-de-Luz. En cette mi-septembre, la plage est à eux. Malgré le ciel noir et menaçant, le groupe, encadré par deux médecins, une kiné, une infirmière, et par du personnel de la Cellule d’aide aux blessés de l’Armée de Terre (trois référents attachés au suivi des blessés, une psychologue, une juriste), se prépare à pratiquer la première activité du jour : la pirogue hawaïenne.
Chacun a sa place.
Autour de Toihirou, Cécile (la seule femme du groupe), Alexandre et Stéphane font quelques gestes d’échauffement, puis poussent une pirogue et embarquent dedans. Immédiatement, il faut dépasser les premières vagues pour gagner une surface plus navigable. Chacun est à sa place ; chacun a un rôle. Les gestes sont précis, fermes, efficaces. Après avoir parcouru quelques centaines de mètres, le mouvement de la mer permet enfin de se mettre en position, de patienter puis d’accélérer soudainement le rythme des pagaies pour prendre la vague et surfer sur une bonne distance. L’effet est grisant. Les visages s’éclairent. Signe qu’ils ne vont pas s’arrêter là. A la prochaine vague, ils essaieront d’aller plus vite, plus loin.
Prendre conscience de son corps.
Jusqu’à ce qu’ils soient blessés de guerre, tous étaient des sportifs expérimentés. « Le sport est très important pour eux, souligne Eric Lapeyre. On le voit notamment par la place qu’occupe l’image de leur corps, avec les tatouages, la musculature. Ils restent aujourd’hui très volontaires. L’activité physique est de toute manière inhérente à la fonction militaire. » Le pari est osé, pourrait-on penser. A cause de leur blessure, ils ont été contraints d’arrêter le sport. Reprendre aujourd’hui, c’est se mettre en situation de prendre conscience que, désormais, son corps a changé. Que sa vie a changé.
Mais, la formule semble faire son effet. Un peu plus tard dans la journée, assis au bord de l’eau d’une plage de Bidart, sa planche de surf à côté, Sofiane paraît serein. Pour lui, le traumatisme est pourtant tout récent. En février dernier, en poste en Afghanistan, comme huit autres du groupe, c’est l’incident. Il doit être amputé d’une partie de la jambe droite. Sept mois après, aidé d’un professeur de surf, il chevauche son surf et ne ménage pas ses efforts pour tenir en équilibre dessus. D’autres, comme Cécile, en Afghanistan elle aussi, avec son régiment des Chasseurs Alpins de Bourg-Saint-Maurice, ont été blessés il y a bien plus longtemps. Le véhicule de la caporal Trompette, à bord avec trois de ses collègues, a sauté sur un « IED » (1), des engins explosifs artisanaux, de véritables ennemis invisibles qui ont fait des ravages. C’était en février 2011. Blessés aux bras, elle n’avait pas repris d’activité physique avant un autre stage organisé à Bourges autour des handi-sports.
Des sports choisis.
Le choix des trois disciplines n’est pas anodin. L’ensemble est une allégorie de l’objectif fixé : réapprendre à vivre en société, quand les blessés de guerre se retrouvent isolés et souvent incompris, et construire un véritable projet de réadaptation professionnelle. Le surf aide à reprendre confiance en soi, en ses capacités physiques. La pirogue incarne les bienfaits de la dynamique de groupe. Et, le sauvetage en mer, troisième activité pratiquée, permet de se dépasser pour aller sauver un camarade. « Toutes des valeurs militaires », précise le Dr Lapeyre.
« La suite du parcours du blessé n’est pas seulement dans la main du médecin, explique le médecin en chef Rémi Macarez, du service de santé des Armées. Par ce travail concerté, nous amorçons une continuité de prise en charge dans le parcours du militaire. Le dossier de pension est ouvert à Percy où sont dirigés les blessés de guerre, mais ensuite, il faut une intervention coordonnée, notamment avec les services sociaux pour, par exemple, pouvoir équiper un tel d’une prothèse. »
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(1)« Improvised Explosive Device »
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