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Dossier

Des outils pour lever les freins au dépistage des cancers

Par Elsa Bellanger - Publié le 24/02/2020
Des outils pour lever les freins au dépistage des cancers

Une unité de mammographies mobile avec des radiologues a sillonné les zones isolées du département
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Face à la stagnation, voire au recul, des taux de participation aux programmes de dépistage organisé des cancers, les acteurs du dépistage se mobilisent. Les Journées scientifiques sur le dépistage des cancers, organisées par l’Institut national du cancer (INCa), les 4 et 5 février, ont été l’occasion d’un état des lieux des initiatives en la matière.

Nouveaux canaux de communication, appareils de radiographie embarqués dans un bus, distribution de kits de dépistage par le pharmacien, médiateurs en santé et/ou travailleurs sociaux pour lever les appréhensions. Les acteurs du dépistage - les Centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) en tête - multiplient les initiatives et les expérimentations en vue d’améliorer les taux de participation aux programmes de dépistage organisé.

Car les résultats de ces programmes restent inférieurs aux ambitions. Dans un rapport de février 2019, Santé publique France (SPF) indiquait qu’« après une phase de montée en charge entre 2004 (NDLR année de lancement du dépistage organisé), et 2008 puis une phase de stabilisation entre 2008 et 2012, le taux de participation a commencé à diminuer pour atteindre 50,1 % en 2016 ».

Concernant le dépistage du cancer colorectal, qui a démarré en 2006, SPF indique un taux de participation, sur la période 2017-2018, de 32,1 %, quand les standards européens recommandent un taux de 45 %.

Des disparités sociales et territoriales

Dans les deux cas, des disparités sont constatées selon les départements. Certains territoires et certaines populations passent sous les radars de la prévention. Dans le cas du cancer du sein par exemple, « les gradients socio-économiques n’expliquent qu’une partie des différences de recours au dépistage. D’autres facteurs sont à considérer : le suivi médical, la distance entre le domicile et le cabinet de radiologie, l’isolement social, l’aversion au risque », observe la Dr Agnès Rogel, épidémiologiste à SPF.

Dans les catégories populaires, des biais culturels peuvent expliquer une moindre participation. « La dimension asymptomatique est très présente : ces femmes ne consultent pas si elles n’ont pas de symptômes ou de douleurs, fait remarquer Coralie Pereira Da Silva, doctorante en sciences de l’information et de la communication. Il y a aussi une méconnaissance des processus physiologiques impliqués dans la survenue du cancer. La maladie est plutôt vue comme une fatalité ».

Pour lever ces différents freins, les généralistes sont en première ligne, mais, alors que les temps de consultation sont de plus en plus contraints, d’autres relais sont nécessaires. Une première piste relève de nouveaux canaux de communication. L’envoi d’un SMS en amont de l’invitation au dépistage a été expérimenté dans quatre départements. Cela « permet d’augmenter (et d'accélérer) significativement la participation », constate le Dr Ken Haguenoer, du CRCDC du CHRU de Tours, mais aussi de « faire des économies ».

Une démarche d’« aller vers »

Dans les territoires isolés géographiquement, une démarche d’« aller vers » a été testée. Dans l’Orne, une unité de mammographies mobile embarquant des radiologues, baptisée « mammobile », a sillonné les zones isolées du département. « Les résultats sont encourageants : on efface presque totalement les gradients sociaux et territoriaux », se félicite le Dr Guy Launoy, responsable de l'unité d’épidémiologie du CHU de Caen, insistant sur l’importance de bien choisir les emplacements, en lien avec les acteurs locaux pour toucher les populations éloignées des soins.

En Corse, une initiative s’est appuyée sur les pharmaciens pour distribuer des kits de dépistage du cancer colorectal. Dans les zones les plus isolées de l’île, « le taux de participation est passé de 6,6 % à 15,8 % et même jusqu’à 27 % après relance », se réjouit le Dr Franck Le Duff, du CRCDC de Corse.

Dans les territoires défavorisés, un effort supplémentaire de pédagogie est parfois nécessaire. Une expérimentation dans des quartiers dits « politiques de la ville » a mobilisé une médiatrice, infirmière de formation, pour prendre contact avec les femmes ciblées par le dépistage organisé. « L’objectif était de lever les tabous liés à la maladie », explique la Dr Catherine Exbrayat, du CRCDC AuRa. Dans ces quartiers, le taux de participation est monté à 31 %, alors qu’une partie des femmes concernées « n’avaient jamais réalisé de mammographies ».

Elsa Bellanger