Les femmes franciliennes en âge de procréer sont exposées à un nombre important de perturbateurs endocriniens (PE), y compris provenant d’insecticides interdits en France depuis plus de dix ans. C’est ce que montre l’étude EXPPERT 4 financée par l’association Génération future et la région Ile-de-France.
Les promoteurs de l’étude se sont attaché les services des chercheurs du laboratoire de bio monitoring de l’institut de santé luxembourgeois. Ces derniers ont analysé les 5 premiers centimètres, en partant du cuir chevelu, de 28 femmes vivant à Paris, dans la grande couronne ou à proximité de champs cultivés.
Ils ont recherché 64 molécules suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, dont 54 pesticides ou métabolites de pesticides.
En moyenne, 21 résidus de perturbateurs endocriniens différents ont été retrouvés chez chaque femme. La concentration moyenne était de 109 picogrammes par mg de cheveux. Sept produits étaient présents dans l’intégralité des échantillons : des pyréthrinoïdes (des insecticides agricoles), des métabolites d’insecticides organophosphorés (DEP et DETP) ou organochlorés (Gamma HCH), de l’hexachlorobenzène, des PNP et la trifluraline (un herbicide). Dans cette liste, seuls les insecticides organophosphorés et les pyréthrinoïdes sont autorisés. Les autres composés sont interdits en France, parfois depuis 2001 ou 2003 comme les PNP.
Des pesticides qui ne se laissent pas oublier
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette apparente contradiction ente la réglementation et les résultats de l’étude : la persistance des pesticides dans l’environnement, leur stockage dans les tissus graisseux, sans oublier le possible non-respect des interdictions. L’Europe s’est dotée d’un règlement sur la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, le règlement EC 1107/2009 qui précise qu’un pesticide ne doit pas être approuvé s’il présente « des effets perturbateurs endocriniens pouvant être néfastes pour l’homme, à moins que l’exposition de l’homme cette substance ne soit négligeable ». Une définition des perturbateurs endocriniens concernés par cette exclusion était prévue par la Commission européenne avant la fin 2013, mais se fait toujours attendre.
Un « signal d’alarme », rien de plus
Pour François Veillerette, porte-parole de Génération futures et président du Pesticide Action Network Europe, cette étude n’est pas tant une évaluation du niveau d’exposition des Franciliennes qu’un « signal d’alarme ».
« Ces résultats ne sont pas représentatifs de l’exposition des femmes à un instant t, insiste-t-il, l’idée n’est pas non plus d’identifier des facteurs de risque. » L’association demande le retrait programmé de tous les usages des pesticides pointés dans leur rapport. À ce titre, Générations futures se félicite que les autorisations de mise sur le marché des produits insecticides soient désormais du ressort l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Elle souhaite également que soit étoffé le volet environnemental de la loi de santé qui ne porte, pour l’instant, que sur l’amiante et le plomb.
« C’est une bonne chose qu’une agence extérieure au ministère de l’Agriculture s’en occupe, estime François Vaillerette, elle sera moins sensible aux différents lobbies agricoles, pour peu qu’on lui en laisse les moyens. »
Des nouvelles données pour l’ANSES
Le choix du laboratoire d’analyses n’était pas anodin, puisqu’il s’agit de celui dirigé par le Pr Brice Appenzeller, un habitué des recherches toxicologiques sur les expositions aux polluants qui fait d’ailleurs partie des experts du groupe de l’ANSES sur les perturbateurs endocriniens. « Il n’est pas exclu que ces résultats fassent l’objet d’une publication scientifique, espère François Veillerette, on espère en tout cas que ces données soient versées aux données sur lesquelles s’appuie l’ANSES. »
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