« ALZHEIMER et dépendance, le défi européen ». La Suède et, plus récemment la France font figure de locomotives de l’Union européenne pour la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Fléau de nos sociétés contemporaines qui touchera plus d’une personne de 90 ans sur trois dans les prochaines années. Lennarth Johansson, de la direction des affaires sociales suédoises, suit de près le Plan tricolore lancé en 2008 à la demande de Nicolas Sarkozy : « Donner un cadre, un modèle à suivre est une démarche intéressante. » Des propos stimulants pour Florence Lustman, l’inspectrice générale des finances chargée du pilotage interministériel du plan quinquennal, visiblement impressionnée par la clairvoyance et le pragmatisme du modèle suédois, où la déconcentration est une règle d’or. Supportant la charge globale à hauteur de 95 % (50 milliards de couronnes suédoises en 2005), les municipalités sont la clé de voûte du dispositif. L’objectif du plan hexagonal avec la création des Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA), qui se déploient peu à peu dans les régions françaises, va dans ce sens. Convaincue par l’expérience suédoise, Florence Lustman espère que ces réseaux de prise en charge vont se multiplier. « Les retours que nous avons des 15 réseaux existants prouvent que c’est une solution. À la fin de 2012, il y en aura donc 150 et aux alentours de 500 en 2014. »
Moins de lits de gériatrie.
En Suède, la réforme des soins communautaires mise en place en 1992 pour les malades d’Alzheimer a débouché sur la création de centres de santé municipaux, le développement des services d’aide à la personne et de soins à domicile, des télé-alarmes et de système de portage de repas à domicile. « Notre but était de permettre aux malades de rester le plus longtemps possible chez eux et de réduire le taux d’occupation à l’hôpital en gériatrie », reprend Lennarth Johansson. Des maisons de retraite spécialisées ou des foyers collectifs gérés directement par la commune ou en délégation de service public par des entreprises privées ont poussé comme des champignons. Conséquence : « Le taux de blocage des lits à l’hôpital a chuté de 50 000 à 25 000 lits en 2009. En gériatrie, nous sommes passés de 6 000 patients en 1994 à 2 000 en 2009, soit une baisse de2/3. »
Le taux d’occupation dans les services de gériatrie des hôpitaux français serait proportionnellement deux fois plus élevé. Ce que Florence Lustman ne dément pas : « En la matière, la Suède est en avance sur nous. Nous devons diminuer le nombre de lits dans les services de gériatrie, cela génère une inflation dramatique des coûts qui ne va pas forcément de pair avec une amélioration de la qualité des soins », assure-t-elle.
Bien huilé, le système suédois vient en aide à 8 % de sa population de plus de 65 ans, soit 153 000 personnes (65 000 sont soignées en Institution et 88 000 sont prises en charge chez elles). Pour autant, le débat reste vif. Pour Lennarth Johansson, d’épineuses questions juridiques et philosophiques se posent : « Comment aider au quotidien une personne incapable d’exprimer ses besoins ? » La présence de la famille est, à cet égard, précieuse. Des réflexions, Roselyne Bachelot, la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, en prône elle aussi. « Nous devons avoir une réflexion éthique sur la bientraitance et sur la place de la solidarité nationale qui doit continuer à constituer notre socle commun », a-t-elle proposé via Jean-Patrick Sales, son conseiller médical, qui la représentait.
Mutualiser la recherche.
Ce système mixte à la française – impulsion nationale et déclinaison locale – est lourd à mettre en place. Une fois celui-ci établi, les autorités françaises espèrent bien réduire les coûts pour consacrer davantage d’argent à la recherche. Ce qu’elles ne pourront faire seules. Pour endiguer le phénomène qui, avec le vieillissement de la population, va mécaniquement croître, les pays européens vont devoir mettre les bouchées doubles. Philippe Amouyel, le directeur général de l’institut Pasteur de Lille et de la Fondation Plan Alzheimer observe que « L’Europe est en retard par rapport aux États-Unis ». Mises bout à bout, les sommes dégagées par les 23 pays de l’UE arrivent à peine au niveau de celles dégagées par Washington. L’efficacité en moins puisque, jusqu’ici, les programmes de recherche étaient fragmentés sans ligne directrice. « Nous avons un potentiel de mise en commun extraordinaire. Pour répondre à cet enjeu de société, il faut mettre toutes les forces en commun », milite-t-il. Il faut, dit-il, remonter à l’origine de la maladie pour trouver les remèdes. En somme, « faire de la recherche fondamentale et développer la connaissance » et en finir avec l’empirisme.
La présidence française à l’Union européenne a replacé la maladie d’Alzheimer en haut de la pile des priorités de l’UE en matière de recherche. Sous la houlette de la France, de la Suède et du Royaume-Uni, une programmation conjointe a été élaborée. « Ce sont les pays qui en sont à l’origine pour réduire la charge administrative. Ce n’est donc pas une initiative de la Commission européenne. Elle suit le projet et n’exclut pas d’apporter de l’argent », précise le directeur général de Pasteur Lille. Un bureau dans lequel siège un représentant des 23 pays de l’UE valide les orientations du conseil scientifique. Un premier appel à projet a permis de dégager entre 7 et 10 millions d’euros pour réaliser un programme sur les biomarqueurs. Sans cette mutualisation des pays, une telle somme n’aurait jamais pu être posée sur la table. « Encore une fois, c’est notre compétitivité qui est en jeu. Il faut mettre beaucoup d’argent et il faut du temps. Sur les biomarqueurs, par exemple, nous nous donnons 10-15 ans. » Florence Lustman ne dit pas autre chose. Le plan Alzheimer doit être prolongé au-delà de 2012 : « À Bordeaux, le président de la République a fait des annonces très importantes. Tout le monde a bien compris que pour développer la recherche, cinq ans sont un horizon trop court. »
Pendant ce temps, les chercheurs américains intensifient leurs travaux. Une étude publiée le 13 avril dans « Neurology », menée par le Dr Bradford Dickerson, de la faculté de médecine de Harvard (Massachusetts,), a révélé que certaines parties du cerveau affectées par l’Alzheimer commenceraient à rétrécir jusqu’à dix ans avant que la maladie ne soit diagnostiquée. L’avancée de la recherche profitera à tous. L’Union européenne et les États-Unis ne seront pas les seuls à être touchés par l’une des grandes pandémies du XXIe siècle, les pays en développement, tel que le Burkina-Faso, cité en exemple, ou des superpuissances comme la Chine auront du mal à faire face.
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