« IL Y A UN peu plus d’un an, un jeune homme de Montreuil perdait un œil à la suite d’un tir de flash-ball lors de la dispersion par la police d’une manifestation. Ce matin, il apparaît que le même usage immodéré de la force a été utilisé contre des lycéens manifestant contre la réforme des retraites. » Dominique Voynet, la maire (Verts) de Montreuil a aussi affirmé sa volonté de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et a demandé « l’interdiction du flash-ball ». Cette arme présentée comme non létale « est une arme dangereuse, imprécise », a-t-elle souligné, avant de s’indigner : « On ne peut pas banaliser l’usage d’une arme censée être utilisée dans des situations de guerre. »
L’élue des Verts s’inquiétait de la nature des blessures du jeune lycéen de 16 ans qui devait être opéré à l’hôpital Lariboisière à Paris et qui, selon elle, risquait « de perdre un œil ». Le visage tuméfié du jeune Geoffrey Tidjani, publié dans le journal « le Parisien », semblait en effet indiquer des blessures un peu plus sérieuses que ce que laissait supposer la préfecture de police qui, dans un premier temps, les a qualifiées de « légères ». Selon son père, l’adolescent souffrait d’un décollement de la rétine et de multiples fractures à la pommette.
Une utilisation critiquée.
Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a demandé vendredi aux préfets « d’être particulièrement vigilants sur les conditions d’intervention et de limiter l’usage de la force au strict nécessaire ». Le préfet de police de Paris, Michel Gaudin, a rappelé à ses équipes, les conditions « restrictives » d’utilisation du flash-ball.
Depuis que son utilisation a été étendue à la police de proximité en 2002, cette arme de quatrième catégorie, comme le sont les pistolets à impulsions électriques ou Taser, fait régulièrement l’objet de critiques. Un gros coup de poing donné à distance qui « provoque l’équivalent d’un K.-O. technique », tel serait, selon le fabricant, la société stéphanoise Verney-Carron, les effets du flash-ball.
La France a plusieurs fois été épinglée pour l’usage de ces armes dites à létalité réduite. En février 2009, une note de service de la direction générale de la police nationale rappelait que son usage, « assimilable à l’emploi de la force », n’était autorisé que sous certaines conditions : légitime défense de soi-même ou d’autrui, état de nécessité, dispositions sur l’attroupement, interventions dans les établissements pénitentiaires. La note rappelait aussi les règles d’utilisation, notamment la distance minimale qui doit être d’au moins 7 mètres, « afin d’éviter tout risque de lésion corporelle grave, pouvant être irréversible ». De même, soulignait-elle, « le tir à visée au-dessus de la ligne des épaules ou dans la région du triangle génital est proscrit ».
Cette note était reprise par la Commission nationale de déontologie de la sécurité, saisie le 13 juillet 2009 après les incidents de Montreuil et la blessure d’un homme de 34 ans, Joaquim Gatti, qui a perdu son œil à la suite d’un tir de flash-ball. La Commission précisait que cette arme à canons lisses, sans viseur intégré, provoquait des trajectoires de balle très aléatoires. « L’écart entre le point visé et le point touché peut être de 50 cm en hauteur ou en largeur au-delà de 12 m », relevait-elle. Quant aux conclusions, elles étaient claires : « Compte tenu, d’une part, d’une imprécision des trajectoires des tirs de flash-ball qui rendent inutiles les conseils d’utilisation théoriques et d’autre part, de la gravité comme de l’irréversibilité des dommages collatéraux manifestement inévitables qu’ils occasionnent, la Commission recommande enfin et surtout de ne pas utiliser cette arme lors de manifestations sur la voie publique, hors des cas très exceptionnels qu’il conviendrait de définir très strictement. »
En avril 2009, la Commission nationale consultative des droits de l’homme remarquait à son tour que le flash-ball pouvait entraîner « de graves séquelles sur la santé » et demandait que son utilisation, tout comme celle du taser, soit interdite dans les lieux privatifs de liberté (établissements pénitentiaires, lieux de rétention) et dans le cadre des opérations d’éloignement forcé d’étrangers.
Des blessures graves.
Depuis 2002, une demi-douzaine de cas de blessures à l’œil ou à l’oreille ont été rapportés en France. Plusieurs études ont déjà mis en doute l’innocuité du flash-ball. Une étude réalisée en 2002 par le Pr M. Krausz et col., du département de chirurgie de la faculté de médecine de Haïfa (Israël), sur les blessures occasionnées par les balles de caoutchouc tirées par la police israélienne lors des émeutes d’octobre 2000, concluait que ce type de munition ne pouvait constituer « une méthode sûre de maintien de l’ordre ». Les auteurs préconisaient déjà des armes ayant une plus grande précision de tir et une puissance d’impact moindre pour faire face aux démonstrations de rues. L’étude montrait chez les 152 patients touchés que les blessures à la tête étaient les plus sévères, entraînant d’importantes ecchymoses, des œdèmes oculaires, des lacérations profondes des globes oculaires et des fractures des maxillaires.
En décembre 2009, Virginie Pinaud, Philippe Leconte et Gilles Potel du CHU de Nantes publiaient dans la revue « Injury extra » le cas d’un conducteur de bus emmené aux urgences pour une blessure de l’œil droit provoquée par un tir de flash-ball. Les auteurs soulignent que, « même dans des conditions optimales d’utilisation, ce type d’armes garde un risque potentiel de blessures graves ». Ils indiquent également que le tir à la tête doit être proscrit et qu’en cas de blessure du globe, « il peut rarement être sauvé ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation