LE Pr DELFRAISSY, président de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites, dénonce ce qu’il considère être une « menace très sérieuse pour la recherche biomédicale dans et avec les pays du Sud ». L’Agence, qui est impliquée depuis 1995 dans des programmes de recherche sur la prévention de la transmission mère-enfant, s’est récemment engagée dans un nouvel essai international de grande envergure en Côte d’Ivoire et au Mozambique. L’essai devait inclure 1 500 femmes (essai UMA, ANRS 12 220) afin de comparer l’efficacité de deux régimes prophylactiques utilisant tous deux des antirétroviraux : l’un (Atripla, 1 cp/j), très simple, avec une molécule peu coûteuse déjà largement prescrite chez l’adulte en général mais dont l’usage pendant la grossesse est très mal documenté ; l’autre (Combivir plus Lopinavir/r, régime de référence dans les pays du Nord), plus cher et plus compliqué. Toutes les femmes enceintes séropositives quel que soit le niveau de déficit immunitaire (taux de CD4/mm3) recevront un traitement. Selon l’ANRS, « l’éradication de la transmission mère-enfant est désormais un objectif accessible à relativement court terme ». D’où l’intérêt de l’essai.
L’agence précise que le protocole a été approuvé par les instances scientifiques des deux institutions partenaires de cet essai (ANRS et programme européen EDCTP), que les comités d’éthique des pays où devait se dérouler l’essai ont rendu un avis favorable « mais sous réserve d’une attestation d’assurance », que les équipes sur place ont été formées, les laboratoires équipés, les structures de santé opérationnelles et que les laboratoires pharmaceutiques producteurs des médicaments de l’essai ont donné leur accord à la fourniture gracieuse des médicaments de la recherche.
Une première.
Pourtant, l’essai ne peut pas démarrer. « Aucune compagnie d’assurance n’accepte de couvrir les risques liés à la recherche », déplore l’ANRS. Huit compagnies ont pourtant été contactées depuis près d’un an. « Aucune n’a accepté d’adresser les raisons officielles de ces refus par écrit », indique l’agence. Et, selon elle, « c’est une première. » L’Agence est d’autant plus inquiète que les raisons invoquées oralement mettent en péril l’existence même des essais au Sud : décision de principe des assureurs qui ne souhaitent plus couvrir les recherches chez la femme enceinte dans les pays où l’assurance n’est plus obligatoire ; les populations n’hésitent plus à mettre en cause la responsabilité des assureurs, estiment ces derniers, pour obtenir des intérêts et des dommages (sinistre d’opportunité) ; le domaine du sida a un caractère très dissuasif (sinistre médiatique).
Or, souligne l’ANRS, « l’exigence d’assurance est liée à la responsabilité qu’assume tout promoteur dans les recherches biomédicales qu’il soutient ». Au Nord, l’agence assure n’avoir jamais rencontré de problèmes de ce type, y compris dans les essais de transmission mère-enfant. Au Sud, l’obligation réglementaire d’assurance n’existe que dans un petit nombre de pays. « Il est bien évident que cette protection des sujets et des chercheurs s’impose quel que soit le contexte », s’insurge l’ANRS, qui, depuis le début de ses programmes, il y a vingt ans, a pris l’engagement de souscrire une assurance pour toutes les recherches biomédicales qu’elle soutient dans les pays du sud. Cet engagement figure dans sa charte éthique.
Aujourd’hui, la situation semble bloquée. Un deuxième essai vient de se voir opposer les mêmes arguments et les mêmes refus. Les équipes françaises et africaines sont dans l’impasse et risquent de se retrouver à l’arrière-plan de la compétition internationale. Les équipes américaines, soumises à des règles juridiques différentes ont d’ores et déjà décidé de s’engager sur le même programme de recherche que celui de l’essai UMA.
« Ce n’est pas seulement sur la recherche en prévention de la transmission mère-enfant que pèse la menace, mais possiblement sur l’ensemble de la recherche dans les pays du sud », conclut l’agence. « Il est urgent » qu’une solution soit trouvée.
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