Infirmerie psychiatrique de la police de Paris

« Les droits des personnes sont respectés »

Publié le 25/03/2011
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Crédit photo : S. TOUBON/LE QUOTIDIEN

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Quel est votre sentiment général après la publication de l’avis du CGLPL ?

Dr ÉRIC MAIRESSE - Je suis choqué par cet avis dont la forme est surprenante. D’abord il y a le compte rendu d’une visite normale d’un lieu de privation de liberté. Puis, au terme de critiques relativement modérées, une mini-conclusion précise que ces seules observations ne justifient pas en soi la publication de l’avis. La seconde partie, qui s’articule de façon artificielle avec la première, s’apparente à un véritable réquisitoire sur le bien-fondé de l’existence même de l’infirmerie. Ce réquisitoire, qui relève d’une opinion, attaque bien plus l’appartenance de l’infirmerie aux services préfectoraux que le fonctionnement médical de cette structure. En tant que médecin chef, je n’ai pas de casquette ni de blouse. J’ai une seule déontologie, je suis psychiatre. J’estime que mon travail, dans le cadre structurel de l’infirmerie qui est légal, ne s’apparente à rien qui puisse être caché ni honteux. Au contraire, c’est un lieu d’exercice médico-légal, une structure spécialisée, avec des médecins qui y travaillent de longue date de façon harmonieuse.

Êtes-vous surpris par la publication de cet avis ?

Alors que les parlementaires discutent de la réforme de l’hospitalisation d’office (HO), la parution de cet avis faisant suite à une visite d’il y a deux ans tombe bizarrement. Discuter du principe de liberté en HO, j’en suis d’accord en tant que psychiatre, mais le fait de juxtaposer les choses crée un climat qui peut être repris politiquement d’une façon ou d’une autre. D’une manière générale, j’ai l’habitude de ces critiques, qui reviennent très fréquemment depuis une dizaine d’années. Lesquelles se fondent surtout sur une opacité apparente de l’infirmerie, qui relève du fantasme. C’est l’appartenance de la structure à la préfecture de police qui créé une crainte, une ambiguïté, alors même que c’est ce service qui, historiquement, en 1872, a permis de différencier le criminel du malade mental. Quand une personne est conduite à l’infirmerie par les services de police, la justice en est prévenue. Par ailleurs, le pourcentage de décisions d’hospitalisation d’office se révèlent au final, bien moindre à l’IPPP que pour la moyenne des régions. L’expertise que nous avons de ce type de travail et le temps de décantation dû aux 24 heures possibles d’observation des personnes nous permet de multiplier les entretiens et d’enquêter auprès des familles, de l’entourage et des hôpitaux où sont éventuellement passés les individus.

Que répondez-vous aux allégations de manque de garantie des droits des personnes au sein de l’infirmerie ?

Je m’inscris totalement en faux contre cette idée. L’infirmerie a évolué, de même que la société dans laquelle nous sommes. À l’IPPP, nous avons inscrit dans notre charte et dans les faits journaliers le respect des droits fondamentaux. Nous mettons les moyens nécessaires pour pouvoir joindre à tout moment aussi bien l’avocat, la famille que le médecin de la personne. Nos médecins et internes ont pour consigne de joindre les familles quelle que soit l’heure. Le respect des droits fondamentaux est appliqué à l’infirmerie.

JE N’AI PAS DE CASQUETTE NI DE BLOUSE. J’AI UNE SEULE DÉONTOLOGIE, JE SUIS PSYCHIATRE.

L’IPPP constitue-t-elle un doublon dans le système de prise en charge psychiatrique actuel, comme le considère le CGLPL ?

Je ne le pense pas. J’ignore si les services hospitaliers parisiens reçoivent autant d’urgences psychiatriques que l’infirmerie, comme l’affirme Jean-Marie Delarue. On a beau jeu d’avancer des idées sans les chiffrer, mais tout dépend surtout de la qualification de l’urgence psychiatrique. Même si les SAU (services d’accueil des urgences) parisiens effectuaient une part beaucoup plus importante d’urgences psychiatriques, il n’est pas sûr qu’il s’agisse systématiquement du même type d’urgence que nous recevons à l’infirmerie. À l’IPPP nous ne faisons que des urgences dites « agitées », pour lesquelles la police a dû intervenir.

Quid du manque d’autonomie financière des médecins de l’IPPP vis-à-vis de la préfecture, soulevé par le CGLPL dans son avis ?

Oui, le médecin chef et les médecins sont rémunérés par la préfecture de police. Quand j’étais PH, j’étais rémunéré par mon hôpital, personne n’y voyait d’inconvénient. Par ailleurs, aucun des médecins de l’infirmerie ne fait carrière sous la houlette du préfet de police de Paris. J’ai été PH, je suis aujourd’hui privé libéral exerçant dans une clinique avec un très gros service. Je suis à temps partiel à l’infirmerie sur le mode du tiers temps, comme tous mes confrères titulaires. Je suis arrivé à l’infirmerie en interne il y a 25 ans. J’ai été désigné responsable de ce service par une commission comportant un adjoint de la ville de Paris, un représentant de la Justice, un médecin psychiatre des hôpitaux et un professeur d’université. Le préfet ne choisit pas des sbires à qui il va demander l’exécution de basses œuvres.

* « Le Quotidien » du 21 mars.

PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8931