La nouvelle loi espagnole qui devait restreindre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse à uniquement deux motifs (le viol et le risque grave pour la santé physique ou psychologique de la mère) ne verra pas le jour. Les médecins espagnols sont satisfaits.
Face à l’opposition d’une grande partie de l’opinion publique et des professionnels de la santé et aux réticences sérieuses exprimées au sein même du parti conservateur (le Parti populaire) au pouvoir depuis décembre 2011, le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a préféré le 23 septembre retirer le projet de loi.
Ce revirement a provoqué la démission du ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon, qui avait défendu le projet devant les députés à Madrid, affirmant notamment en juillet 2012 qu’une malformation du fœtus ne serait plus un motif suffisant pour avorter. L’unique manière d’interrompre alors la grossesse aurait été de présenter deux certificats de psychiatres différents attestant les risques psychologiques et pathologiques très graves encourus par la future mère, et cela dans un délai limite de 22 semaines de gestation.
Risque de criminaliser les professionnels de la santé
Les médecins concernés se félicitent du retrait du projet de loi que le Collège des médecins espagnols (OMC) avait critiqué en février 2014, affirmant que la femme qui décide d’avorter « ne doit pas être considérée ni définie à l’avance comme une malade mentale », et condamnant la nécessité de réunir les rapports de 2 médecins psychiatres différents. « L’avis d’un seul professionnel suffit », avait-il affirmé, soutenant ainsi le critère retenu dans la loi de mars 2010 adoptée par le gouvernement socialiste d’alors qui avait instauré en Espagne l’avortement libre jusqu’à la quatorzième semaine.
Selon le Dr Javier Suela, secrétaire de l’Association espagnole de Diagnostic Prénatal (AEDP), l’adoption du projet aurait signifié « d’une part, perdre la possibilité de choisir que les femmes espagnoles ont depuis 30 ans (la loi de 1985 décriminalisait l’avortement) et, d’autre part, criminaliser tous les professionnels de la santé impliqués ».
La gynécologue Pilar Martinez Ten, spécialiste en diagnostic prénatal et directrice de Delta-Ecographie à Madrid, considère pour sa part que « l’approbation d’un tel projet aurait provoqué une augmentation du nombre de familles en situation de dépendance, et cela au moment où, en Espagne, les mécanismes d’aide financière publique ont été fortement réduits ». Mais la spécialiste souligne aussi que la loi en vigueur depuis 2010, à cause d’une interprétation restrictive, n’est pas exempte de problèmes puisqu’elle ne permet pas l’IVG pour le petit nombre de cas de malformations non diagnostiquées avant le cinquième mois.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque