MAGAZINES, télévision, et autres médias, sex-shops, littérature, ou cinéma, la société n’hésite pas à vanter la libération sexuelle des femmes et exhorter au plaisir facile. Mais jusqu’où s’étend réellement cette lame de fond ? Pour le savoir, le psychiatre Philippe Brenot, directeur des enseignements de sexologie à l’université Paris-Descartes et président de l’observatoire international du couple, publie les résultats et témoignages d’une enquête réalisée sur internet auprès de 3 404 femmes hétérosexuelles et vivant en couple de 15 à 80 ans. Le thérapeute n’en est pas à son premier coup d’essai : il a publié l’an dernier « les hommes, le sexe et l’amour », à partir d’une enquête sondant 2 100 hommes.
Les témoignages recueillis corroborent cette impression d’une libération des comportements sexuels. Les femmes n’hésitent plus à se déclarer belles (elles sont 60 % à partager ce sentiment) ou sensuelles (67 %), contre 20 % il y a 30 ans. « La dévalorisation des femmes commence à s’amoindrir, la pudeur disparaît », analyse pour « le Quotidien » du médecin Philippe Brenot. Elles ont désormais presque autant de partenaires que les hommes (10 contre 14) quand en 1970, près de la moitié d’entre elles ne connaissait que leur mari. Le plaisir n’est plus tabou : 74 % déclarent en éprouver facilement et 68 % affirment avoir déjà pratiqué la masturbation, contre 19 % en 1970 et 42 % en 1992. La liberté de ton est au rendez-vous. « Ce qui me plaît ? Alterner le sexe tendre et bestial », témoigne Anaïs, 46 ans. Les femmes interrogées sur internet ne répugnent pas moins à confesser leurs fantasmes, avec leur mari, un inconnu, une femme, plusieurs personnes ... 19 % d’entre elles déclarent avoir ressenti un orgasme uniquement par stimulation de l’imagination.
L’image traditionnelle du couple s’effondre devant cette évolution. « Sous l’impulsion des femmes apparaît un nouveau couple, communiquant, intime, érotique, construit sur des valeurs de confiance, de respect et de fidélité », écrit Philippe Brenot. La masculinité affirmée décline. Elles ne sont que 48 % à redouter le jugement de leur compagnon, qui eux, sont 52 % à craindre le jugement de leur conjointe.
Tyrannie du plaisir.
« Les femmes, le sexe et l’amour » ne serait qu’un recueil de témoignages croustillants si ce n’était le regard de thérapeute qu’apporte Philippe Brenot, notamment dans son analyse d’une certaine culpabilisation des femmes. « Ce "plus de besoins que moi", je l’entends chaque jour dans la bouche de femmes culpabilisées, ayant des difficultés à suivre le rythme sexuel imposé par leur partenaire. » À maintes reprises, le psychiatre assène que « le besoin sexuel n’existe pas ». L’argumentation est limpide. Ne pas manger est mortel. Ne pas faire l’amour de toute une vie n’a aucune incidence. « Les hommes sont imprégnés de pulsions qu’ils ont du mal à dissocier de ce que l’on appelle "le désir" », développe-t-il dans son ouvrage.
Philippe Brenot attire également l’attention sur l’asymétrie entre hommes et femmes, sous-estimée. Environ 76 % des premiers déclarent atteindre un orgasme lors du premier rapport contre ... 6 % de leurs partenaires. Dans la jouissance quotidienne le décalage persiste : 90 % des hommes jouissent contre 16 % des femmes. Pas question pour autant de culpabiliser les femmes sur une absence d’orgasme, surtout en « cette époque de tyrannie du plaisir », dénonce le psychiatre. « Non, votre sexualité n’est pas anormale ; non l’orgasme n’est pas un but obligatoire de l’intimité entre 2 personnes, les jouissances sont multiples », écrit-il.
Le spécialiste du couple consacre enfin un chapitre entier à la « face sombre » de la condition féminine, qu’il sonde notamment grâce au concept d’émotions négatives intenses. Près de la moitié des femmes (48 %) déclare en avoir fait l’expérience (contre 5 % des hommes). « Il n’y a pas que des viols atroces, il existe aussi des choses banales atroces : du mépris, des injures, des silences, l’impression d’être transparente », analyse le thérapeute. Il y aurait ainsi 25 à 30 % de femmes encore soumises à la domination masculine.
Les femmes, le sexe et l’amour. Éd Les arènes, 2012, 301 pages, 19,80 euros.
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