Mutilations génitales : le Conseil de l'Europe condamne et dénonce la médicalisation

Publié le 18/10/2016
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Crédit photo : AFP

Tout en proposant une série de mesures juridiques pour renforcer la lutte contre les mutilations génitales féminines, le Conseil de l’Europe insiste sur la mission primordiale des médecins et des professionnels de santé pour contrer ces pratiques. Mais il déplore aussi que beaucoup de médecins, dans de nombreux pays, continuent à réaliser de telles mutilations en dépit de leur interdiction.

Le rapport présenté à Strasbourg, lors de la session d’automne du Conseil de l’Europe (voir encadré) par la députée monégasque Béatrice Fresko-Rolfo, incite tous les pays qui ne l’ont pas encore fait à ériger ces mutilations en infractions pénales.

Le Royaume-Uni en tête des pays européens

Il appelle tous les États à multiplier les mesures préventives et à renforcer les campagnes d’information et de sensibilisation auprès des femmes, comme de la société en général, en rappelant par ailleurs qu’aucune religion n’impose de telles mutilations, « justifiées » uniquement par les traditions et les coutumes.

Bien que la majorité des pays européens sanctionnent très sévèrement ces pratiques, avec des peines pouvant atteindre 10, voire 20 ans de prison, on estime que 500 000 femmes ont subi de telles mutilations dans l’Union européenne, le Royaume-Uni étant, avec plus de 135 000 cas, l’un des pays les plus touchés. Au niveau mondial, les estimations les plus récentes font état de plus de 200 millions de filles et de femmes concernées, principalement en Afrique subsaharienne et en Égypte.

La France, un exemple pour la chirurgie réparatrice

En France, souligne Mme Fresko-Rolfo, les femmes victimes de mutilations génitales peuvent bénéficier d’une chirurgie réparatrice entièrement prise en charge par l’Assurance-maladie, un exemple qui devrait être suivi selon elle par tous les autres pays. Le Royaume-Uni dispose certes de plusieurs cliniques spécialisées dans les soins relatifs aux mutilations génitales féminines mais la prise en charge des opérations et des traitements n’y est que partielle. Le rapport invite tous les pays à renforcer la formation des professionnels de santé à la prévention et à la détection de ces mutilations, en particulier ceux qui sont en contact avec les réfugiés et les demandeurs d’asile.

Violation de l'éthique médicale

Par ailleurs, le texte dénonce le développement, notamment en Égypte, d’une « médicalisation de ces pratiques », avec un nombre croissant de médecins effectuant ces actes à la demande des familles. Si le phénomène dépasse largement le cadre européen, le Conseil de l’Europe n’en réclame pas moins une sensibilisation accrue des médecins sur les aspects éthiques et juridiques de tels actes qui, comme l’a rappelé récemment l’OMS, constituent « une violation injustifiable de l’éthique médicale ». Selon lui, les États doivent veiller à ce que les médecins pratiquant ces mutilations soient poursuivis et sanctionnés, tant pénalement que par les organismes professionnels dont ils relèvent.

La GPA fait débat

Les parlementaires du Conseil de l’Europe n’ont pu s’entendre, lors de leur dernière session, sur un projet présenté par une sénatrice et médecin gynécologue belge, Petra de Sutter, visant à rechercher un cadre légal pour la gestation pour autrui (GPA), « dans le respect des droits des femmes et des enfants ainsi conçus ». Favorable à une GPA « altruiste » et sans recherche de profit, Mme de Sutter a dû batailler pendant plus d’un an pour que son projet soit accepté, après plusieurs modifications de fond, par la commission de la santé de l’Assemblée du Conseil de l’Europe. Mais le débat en plénière s’est finalement soldé par un rejet du texte, les opposants à toute forme de GPA voyant, dans son projet, une tentative de légitimer cette dernière, qui reste interdite dans la grande majorité des pays européens. Définitivement rejeté, le texte révèle, une fois de plus, les profonds clivages qui divisent les Européens en matière de bioéthique, et que l’on retrouve notamment en matière de recherche génétique ou de fin de vie. À l’inverse, les sujets liés à la santé de manière plus générale, portant par exemple sur l’alimentation, la sécurité routière ou la promotion du sport, sont régulièrement adoptés avec de larges majorités…

 

De notre correspondant Denis Durand de Bousingen

Source : lequotidiendumedecin.fr