Malgré les progrès récents, les objectifs mondiaux sur la santé des enfants et des adolescents fixés par l’ONU pour 2030 risquent de ne pas être atteints, alertent des experts mondiaux dans une série d’articles publiés dans « The Lancet ». Alors que la pandémie de Covid-19 a aggravé les inégalités et que ses conséquences vont s’inscrire dans la durée, ils appellent à un sursaut « urgent ».
« Il est temps que la solidarité triomphe sur la politique, pour le bien de nos enfants et des générations futures », interpellent Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et Catherine Russell, directrice exécutive d'Unicef, dans un commentaire associé aux articles. Ils invitent les gouvernements, donateurs et institutions à « corriger les lacunes structurelles anciennes des systèmes de santé » et à « s'attaquer aux déterminants sociaux et environnementaux de la santé qui mettent les enfants en danger ». L’inaction « pourrait entraîner la mort de près de 21 millions d'enfants et d'adolescents âgés de 5 à 24 ans et de 43 millions d'enfants de moins de cinq ans avant 2030 », une perspective « inadmissible et inutile », jugent-ils.
« La réussite la plus extraordinaire de l'histoire récente de la santé mondiale a été la baisse rapide du nombre de décès d'enfants de moins de 5 ans… [Mais] la vérité effrayante est que malgré toutes les vies sauvées, des millions d'enfants meurent encore de causes évitables. Et ceux qui survivent restent incapables d'atteindre leur plein potentiel », ajoute dans un communiqué le Dr Richard Horton, rédacteur en chef de « The Lancet », appelant à un « engagement politique » pour relever les défis.
Une approche « holistique »
Sur la seule année 2019, 8,6 millions de décès de nourrissons, d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes de moins de 20 ans ont été enregistrés, dont 23 % de mortinaissances, 28 % de décès néonataux et 32 % d’enfants âgés d’un mois à 5 ans, indique une première étude. Plaidant pour une approche « holistique » de la santé des mères et des enfants, les auteurs mettent également en évidence l’importance des premières années de vie sur les trajectoires de santé. « Notre analyse indique clairement que les deux premières années de la vie sont des indicateurs cruciaux de la santé future, mais cette tranche d'âge n'est qu'une pièce du puzzle », explique le premier auteur de l'étude, le Pr Robert Black de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health.
Les inégalités sociales et économiques dans l’enfance impactent durablement la santé, mais aussi le développement cognitif, montre une deuxième étude. Par l’analyse des données de 95 enquêtes nationales dans les pays à revenu faible et intermédiaire, ils ont pu établir que les enfants les plus démunis avaient près de deux fois plus de risque, par rapport aux plus aisés, de mortalité infantile, de retard de croissance ou de développement ou de ne pas achever l'école primaire. L’analyse des données de six cohortes dans les pays les plus pauvres met en évidence des différences frappantes, notamment pour les quotients intellectuels. Au Brésil, par exemple, les enfants et les adolescents les plus aisés ont obtenu 20 points de plus que les plus pauvres.
... plutôt que des interventions fragmentées
Les interventions nécessaires pour inverser la tendance sont pourtant connues et étayées scientifiquement, détaille un troisième article, rappelant que l’enjeu est d’associer soutien sanitaire et social de la préconception jusqu'à l'âge de 20 ans. Trop souvent fragmentées par groupes d'âge ou conditions de santé spécifiques, les mesures doivent couvrir la nutrition, la prévention, l’éducation et le soutien économique et communautaire chez tous les enfants.
Ces interventions coordonnées doivent s’appuyer sur des systèmes sanitaires et sociaux « solides », complète une quatrième étude. « Bien que l'intensification des interventions dans les établissements de santé chez les enfants de moins de cinq ans aura le plus grand effet sur la réduction des taux de mortalité infantile, nous devons également nous engager [...] dans les écoles et les communautés pour atteindre les enfants plus âgés dont les besoins de santé ont été négligés », souligne la première auteure, la Dr Margaret Kruk de la Harvard Chan School of Public Health.
La mise en œuvre de ces interventions est d’autant plus urgente que la pandémie de Covid-19 a mis à mal les progrès récents en perturbant notamment les services de santé et d'éducation, relève un second commentaire associé. « Les défis rencontrés pour répondre aux besoins des enfants et des familles pendant la pandémie devraient servir de signal d'alarme à la communauté mondiale, soulignant le besoin urgent de transformer l'agenda de la santé des enfants et des adolescents à l'échelle mondiale », le coordinateur de la série d’articles, le Dr Zulfiqar Bhutta du Centre pour la santé mondiale de l'enfant de l'Hôpital pour enfants malades (Canada) et de l'université Aga Khan (Pakistan).
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