Malgré des « lacunes » et des « disparités » territoriales et sociales « persistantes », la campagne vaccinale contre le Covid mérite un « satisfecit », a estimé Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lors d’un point presse ce 14 décembre, alors que l’institution rend publique son évaluation de l’effort de vaccination menée en France depuis près deux ans.
Ce rapport « inédit » et « exceptionnel » entend dresser un bilan « pour mieux nous préparer aux prochaines vagues épidémiques », a indiqué l’ancien commissaire européen. La désinformation ayant atteint « un degré lui aussi inédit » avec une remise en cause de la parole scientifique, la Cour des comptes se place dans le « rôle de tiers de confiance », en documentant la campagne vaccinale et l’action publique, la confiance étant un « déterminant de la vaccination », a-t-il insisté.
Une vaccination toujours d’actualité
Cette publication intervient à un moment « particulier », avec une épidémie qui n’est « pas encore derrière nous » et une vaccination « toujours d’actualité », rappelle Pierre Moscovici. Depuis plusieurs semaines, les appels se multiplient pour inciter la population à l’injection d’une dose de rappel contre le Covid, idéalement couplée à une vaccination contre la grippe.
Le dernier en date vient de la Direction générale de la santé (DGS), inquiète de la « triple épidémie » en cours, « caractérisée par une neuvième vague de Covid-19, une circulation très précoce et rapide de la grippe, ainsi qu’une circulation toujours très élevée de la bronchiolite qui dépasse les niveaux atteints lors des 10 années précédentes ». « La mobilisation des acteurs doit être maximale pour créer les conditions d’un "sursaut" de vaccination, en particulier pour les publics les plus à risque face à la maladie », martèle un « DGS-Urgent » du 13 décembre.
Malgré ce retard préoccupant à l’approche des fêtes de fin d’année et leur lot de rassemblements intergénérationnels, le rapport de la Cour des comptes dresse un bilan plutôt positif de la campagne vaccinale, déployée « en un temps record » et répondant à un ensemble de défis (recherche, production, logistique) sans « aucun précédent historique », a mis en contexte le président.
« Les pouvoirs publics ont su adapter en continu la stratégie vaccinale » dans un « contexte de contraintes exceptionnelles », salue Pierre Moscovici, évoquant un « succès majeur ». Lancée fin décembre 2020 dans les Ehpad, la vaccination a été élargie progressivement à l’ensemble de la population jusqu’aux enfants de 5 ans et plus en décembre 2021.
La situation était pourtant marquée par des incertitudes et des données évolutives sur les doses disponibles et sur les contraintes logistiques (conservation et acheminement des doses jusqu’aux patients) ayant conduit à l’ouverture de centres de vaccination sur tout le territoire. Cette « montée en charge par étapes » s’est accompagnée d’un « succès logistique historique » en matière de production et de distribution des vaccins.
Reste que ces efforts n’ont pas permis d’atteindre l’ensemble des populations vulnérables. Début septembre 2022, près de 80 % de la population française avait reçu les deux injections du schéma vaccinal initial (90,6 % si l’on considère seulement les plus de 12 ans). C’est « mieux que l’Allemagne », mais « moins bien que l’Espagne et le Portugal », souligne Pierre Moscovici.
Si le bilan global apparaît flatteur, la couverture vaccinale concernant la primovaccination reste faible chez les enfants (5-11 ans) et dans certains départements et régions d’outre-mer (39,6 % en Guyane par exemple). Surtout, les plus âgés (80 ans et plus) sont proportionnellement moins bien couverts et « l’écart se creuse avec l’âge », en raison de l’isolement et de la mobilité réduite de cette population et de difficultés liées à la numérisation.
La campagne automnale de rappel, lancée le 3 octobre, accuse également des « retards », alerte le premier président de la Cour. Au 2 novembre, seuls 33,6 % des 60 ans et plus avaient effectué leur deuxième rappel, un taux insuffisant au regard des bénéfices attendus.
Le rapport pointe également une piste d’amélioration pour l’avenir, alors que la définition et la gouvernance de la politique vaccinale ont pu pâtir de la mise en place dans l’urgence d’instances, à côté notamment de la Haute Autorité de santé (HAS). La création du Conseil scientifique et du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale n’a pas été « propice à une bonne gouvernance », tranche Véronique Hamayon, présidente de la 6e chambre de la Cour. Celle qui a participé à la rédaction du rapport préconise de permettre aux agences « d’exercer l’ensemble de leurs missions ».
Des outils à remobiliser
Des « innovations » ont tout de même permis de dynamiser la vaccination, reconnaît le rapport. L’instauration du passe sanitaire a permis, malgré l’opposition d’une partie de la population, de booster le taux de vaccination de 13 points, mais le passage au passe vaccinal a en revanche eu un impact « moins puissant », juge Pierre Moscovici.
Autre innovation, les stratégies dites d’« aller vers » ont conduit à un « élargissement du champ de la vaccination à des publics et des territoires » qui, sans cela, « ne se seraient pas vaccinés », poursuit-il. Ces outils sont « à remobiliser » dans d’autres politiques publiques.
Côté financier, le bilan de la politique vaccinale est estimé à 8,5 milliards d’euros (dont 0,9 milliard pour l’aide internationale), un coût « élevé », mais à nuancer : ce montant ne représente que « 15 % des dépenses de l’Assurance-maladie » pendant la crise et cet investissement a permis d’éviter d’autres mesures plus coûteuses.
De ce bilan, la Cour tire une série de recommandations « opérationnelles » et « précises ». Il s’agit surtout de mieux anticiper pour ne pas rester dans la seule réaction à l’urgence. Il convient par ailleurs d’être en capacité de remobiliser les outils qui ont fonctionné. À cet égard, la priorisation des plus vulnérables, comme les résidents d’Ehpad, est à envisager notamment via des circuits dérogatoires. La mobilisation d’un « vivier » de vaccinateurs (étudiants et retraités notamment) doit également être anticipée pour constituer une réserve mobilisable en cas de besoin.
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