Tiers payant généralisé obligatoire pour 2017 : le gouvernement inflexible

Publié le 17/12/2015
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Le 1er juillet 2016, la dispense d'avance de frais s'appliquera aux patients en ALD et aux femmes...

Le 1er juillet 2016, la dispense d'avance de frais s'appliquera aux patients en ALD et aux femmes...
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

La volonté politique l’a emporté sur la contestation de la profession.

Et le gouvernement n’a pas cédé : le tiers payant généralisé, marqueur de gauche, mesure phare de la loi de santé qui achève aujourd’hui même son marathon parlementaire, entrera en vigueur à l’horizon 2017.

Si le calendrier prévisionnel de la loi Touraine est respecté, les médecins libéraux pourront appliquer dès le 1er juillet 2016 la dispense d’avance de frais aux patients en ALD et aux femmes enceintes ; le tiers payant sera un droit pour ces personnes à 100 % au 31 décembre 2016. Deuxième grande étape : la généralisation au 1er janvier 2017 à tous les assurés, sur la base du volontariat des professionnels. Mais au 30 novembre 2017, le tiers payant intégral deviendra un « droit pour tous les patients », même si le texte ne prévoit pas de sanction pour les praticiens qui refuseraient de l’appliquer.

Un réflexe, selon Marisol Touraine

Pour la ministre de la Santé, le tiers payant renforcera l’accès aux soins et facilitera la vie des praticiens.

« Si c’est simple chez le pharmacien, on peut concevoir que ce sera simple chez le médecin. Mon souhait est que cela devienne un réflexe pour les médecins », a résumé il y a quelques semaines Marisol Touraine.

La promesse n’a pas changé : ce sera simple, fiable, garanti. « Aujourd’hui, les remboursements sont désynchronisés, cela alourdit la gestion des professionnels. Demain, avec un seul flux, les paiements seront sécurisés et leur suivi simplifié », promet le ministère de la Santé.

Marisol Touraine assure aux médecins une garantie de paiement en moins de sept jours en « un seul geste », sur la base des droits figurant sur la carte Vitale. Des intérêts sont prévus en faveur des professionnels en cas de versement tardif...

Les praticiens libéraux n’en ont cure. Ils redoutent plus que jamais un système chronophage, qui les contraindrait à pointer le règlement des quelque 600 organismes complémentaires. « Les généralistes ne peuvent assumer la vérification préalable des droits, l’envoi de deux factures pour chaque acte, le règlement en deux paiements et le pointage de ces écritures multiples », résume MG France, qui prédit l’échec du tiers payant.

Désobéir ?

Sur le papier en effet, rien ne s’oppose à la généralisation du tiers payant. La réforme a été promise par François Hollande, votée par la majorité, et elle est soutenue par les Français – 70 % s’y déclarent favorables, selon un sondage Odoxa. En pratique pourtant, le chantier technique est pour l’instant insoluble.

L’assurance-maladie et les complémentaires santé, qui devaient proposer dans un rapport des modalités de mise en œuvre avant le 31 octobre 2015, ont pris « un peu de retard », a concédé Marisol Touraine.

Leur copie est désormais attendue un mois après la parution de la loi. « Il est très probable que ce rapport mettra en lumière l’incapacité des régimes obligatoires et complémentaires à respecter l’engagement pris par le président de la République et le Premier ministre d’un dispositif simple et garanti », parie MG France.

Malgré deux années de concertation, les questions du flux unique de paiement et de la récupération des franchises sont loin d’être réglées.

D’aucuns misent déjà sur une alternance en 2017. À droite, plusieurs ténors (Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire...) se sont engagés à supprimer le tiers payant s’ils revenaient aux affaires. Une proposition de loi rectificative des Républicains, portée par le député du Loiret Jean-Pierre Door, doit être présentée en 2016 mais elle a très peu de chance d’être adoptée.

Les syndicats de médecins libéraux n’ont pas l’intention d’abdiquer. Dans une motion commune, ils ont appelé leurs confrères à ne pas mettre en œuvre les prochaines étapes du tiers payant généralisé. Cet appel à la « désobéissance civile » (mot d’ordre à l’initiative de la CSMF) est soutenu sur le terrain par les coordinations.

Ch. G.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9459