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Dossier

Congrès de l’Européan Society of Cardiology

Angor stable : mollo sur la coronarographie !

Publié le 11/10/2013

Le congrès 2013 de l'ESC a fait une large place aux interactions entre maladies du système cardiovasculaire et autres pathologies. Avec, notamment, beaucoup de communications sur «diabète et affections cardiovasculaires». Mais la présentation des nouvelles guidelines européennes sur la prise en charge de l'angor stable – qui reprécisent la place de la coronarographie dans cette pathologie – a également constitué un des moments forts de cette édition.

Moins d’angiographie et moins de revascularisation. Dans ses nouvelles recommandations sur l’angor stable – qui remplacent celles de 2007 – l’European Society of Cardiology (ESC) propose des démarches diagnostiques et thérapeutiques graduées qui réservent la coronographie aux patients les plus à risque.

Explorations graduées

L'approche se fait en trois étapes: l’évaluation de la probabilité d'une atteinte coronarienne, la confirmation de l'existence d'une sténose et la détermination du niveau de risque de morbi-mortalité qui base la décision thérapeutique.

Ainsi, sur le plan diagnostique, la stratégie devant une douleur thoracique dépend maintenant très largement de la valeur prédictive pré-test, basée sur l'âge, le sexe, le caractère typique ou non des signes fonctionnels et l'ECG. Cette estimation de la probabilité clinique de maladie coronarienne guide ensuite les autres explorations, « ce qui devrait éviter une utilisation excessive de la coronarographie », espère le Pr Udo Sechtem (Stuttgart), co-auteur de ces recommandations avec le Pr Gilles Montalescot (Paris). Globalement, si le risque d'angor stable est <15% (voir infographie), il est inutile de poursuivre les examens, sauf ceux recherchant d'autres causes de douleurs thoraciques.

Si la probabilité de lésion coronarienne se situe entre 15 et 85%, les examens cherchent à faire la preuve de l'ischémie et de la sténose. L'ECG d'effort s'efface quelque peu derrière l'imagerie de stress – échocardiographie, scintigraphie ou IRM – à choisir en fonction des disponibilités locales. Le coro-scanner est une alternative intéressante lorsque la probabilité se situe entre 15 à 50% pour éliminer une coronaropathie ou si les tests de stress sont irréalisables ou ininterprétables.

Lorsque la probabilité d'angor est › 85%, le risque de sténose est élevé, ce qui impose de passer directement au traitement médical et à l'évaluation du risque de mortalité basée sur le bilan clinique et paraclinique initial. L'angiographie ± revascularisation est indiquée chez les patients à haut risque de mortalité (≥3% de mortalité/an) et discutée selon le contexte dans les risques intermédiaires (de 1 à 3%).

Traitement médical pour tous

Sur le plan thérapeutique, tous les patients nécessitent un traitement médical optimal mais toutes les sténoses ne bénéficient pas de la revascularisation. « L'objectif du traitement est d'améliorer la symptomatologie et le pronostic en prévenant les évènements thrombotiques et la dysfonction du VG », rappelle Jean-Sébastien Hulot (Paris). Sans surprise les recos insistent à nouveau sur l'importance de la nutrition, de l'activité physique, de l'éducation du patient et du contrôle des autres facteurs de risque.

Les dérivés nitrés à courte durée d'action en spray ou sublingaux sont à la base de la prise en charge de la douleur aigue avec éventuellement un usage prophylactique avant un effort.

Le traitement de première ligne repose toujours sur les ß-bloquants et les Inhibiteurs calciques (ICa). En cas d'échec on peut associer un ß-bloquant et un ICa non bradycardisant. Le traitement de deuxième ligne est quelque peu modifié puisque, à côté des dérivés nitrés de longue durée d'action, on préconise en fonction du terrain, l'ivabradine, le nicorandil ou la ranolazine (non disponible en France), éventuellement la trimetazidine (dont la prescription a été récemment restreinte à cette seule indication par l’EMEA) voire l'allopurinol, ce traitement de la goutte ayant montré une certaine efficacité dans l’angor stable.

« Nous avons à peu près le même niveau de preuve pour tous les médicaments de deuxième ligne et nous recommandons aux médecins de choisir en fonction de ce qui est disponible dans leur pays », a précisé le Pr Montalescot.

La prévention des événements thrombotiques repose sur l'aspirine, éventuellement le clopidogrel en cas d'intolérance. Aucun argument n'est en faveur du prasugrel ou du ticagrelor dans ce contexte et l'association de deux anti-agrégants plaquettaires ne doit pas être systématique.

Les coronariens sous traitement médical seront suivis tous les 4 à 6 mois par leur médecin traitant avec un ECG de repos annuel et un ECG d'effort tous les deux ans sauf évènement intercurrent.

En ce qui concerne la revascularisation, « avant toute discussion à propos de ce type de traitement, les patients doivent recevoir un traitement médical optimal », a souligné le Pr Gilles Montalescot. La revascularisarisation se discute si elle peut améliorer le pronostic ou la symptomatologie en fonction de l'importance de la sténose, de l'étendue de la zone ischémiée, de la FEVG et de l'anatomie des lésions.

Une place à part pour l’angor fonctionnel

Une large place est consacrée à la pathologie coronarienne fonctionnelle sans sténose obstructive, angor microvasculaire et angor vasospastique. Le premier correspond à une dysfonction microvasculaire avec augmentation de la susceptibilité aux stimuli vasoconstricteurs. L'angor survient essentiellement à l'effort, les crises au repos ou prolongées sont occasionnelles. Le diagnostic se fait sur la mise en évidence d'une réduction de la réserve coronaire, de façon non invasive par l'écho-Doppler transthoracique ou lors d'une coronarographie par injection intracoronaire d'acétylcholine et d'adénosine. Cette pathologie expose à un risque d'événements inférieur à celui de la sténose obstructive mais supérieur à celui d'une personne asymptomatique. Le traitement associe aux classiques ß-bloquants ou ICa, des IEC ou du nicorandil voire des dérivés xanthiques. En cas d'échec, des techniques de neurostimulation peuvent être utilisées.

L'angor spastique est lié à une réponse exagérée aux stimuli vasoconstricteurs et à une hyperactivité sympathique. Il se manifeste au repos, souvent la nuit. Le holter ambulatoire retrouve des épisodes transitoires d'élévation du ST. L'angiographie avec tests de provocation intra-coronaire est indiquée devant des épisodes typiques se résolvant sous nitrates ou ICa. Le risque d'événements CV majeurs est de 20% à

5 ans. Les ICa constituent le traitement de première intention, les ß-bloquants sont contre-indiqués. Les dérivés nitrés peuvent être prescrits pour les périodes les plus symptomatiques. Dans les vasospasmes réfractaires, on peut recourir aux anti-adrénergiques, à la sympathectomie ou la pose de stent. Un pace-maker peut être implanté chez les patients à haut risque de mort subite.