Dr Sophie Augros * « La féminisation, une chance pour repenser l’organisation de notre métier »

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Publié le 18/01/2019
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Dr Sophie Augros

Dr Sophie Augros
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Quel impact la féminisation a-t-elle sur l’organisation de la profession ?

Dr Sophie Augros : Les médecins ne sont plus corvéables à merci. Les femmes ont mis des limites entre vie professionnelle et vie privée. Cela a aidé également les hommes à prendre ces positions. La féminisation a aussi eu un impact sur l'amplitude horaire. Les médecins ne travaillent plus douze heures par jour tous les jours. Elle a également favorisé le regroupement des praticiens et facilité leur organisation. Ils ont aujourd'hui moins de culpabilité à partir plus tôt ou en congés.

Que répondez-vous à ceux qui affirment que les femmes sont responsables de la pénurie de médecins ?

Dr S. A. : Les femmes ne sont en rien la cause de ce problème. Les médecins de la nouvelle génération ne veulent plus travailler dans les mêmes conditions que leurs prédécesseurs. Plus personne ne veut du modèle du généraliste qui fait tout, tout seul. Et les femmes en général ont davantage conscience qu’elles ne peuvent pas tout gérer seules. à mon sens, la féminisation est une chance pour repenser l’organisation de la profession. La crise démographique est là car nous n’avons pas anticipé cette féminisation et les volontés de changement de la génération des 35 heures. Dans d’autres entreprises, l’industrialisation, l’informatisation et la délégation aux machines ont peut-être permis d’amortir ces évolutions, mais nous restons un métier très humain où il est difficile de tout déléguer à l’intelligence artificielle.

Vous avez été l’une des rares femmes présidentes de syndicat. Pourquoi les instances de décision ou les postes universitaires restent-ils majoritairement masculins ?

Dr S. A. : La disponibilité demandée est la principale barrière. Les femmes ont souvent une double vie entre leur profession et leur foyer et une troisième se rajoute quand elles intègrent une institution. À un haut niveau de responsabilité, le temps d’engagement nécessaire est important. Pour rompre ce plafond de verre, nous devons peut-être revoir le mode de fonctionnement de ces institutions. Il est possible de faire du télétravail, de la téléconférence pour s’impliquer dans les décisions et s’éviter une accumulation de réunions en présentiel.

* Généraliste à Aime (Savoie), ancienne présidente de ReAGJIR, et récemment chargée par le ministère de la Santé d'une mission sur l'accès aux soins

Propos recueillis par Amandine Le Blanc

Source : lequotidiendumedecin.fr