Le coronavirus est à l’origine du décès de 14 000 résidents d’Ehpad. Vous attendiez-vous à un bilan aussi lourd ?
Romain Gizolme : Nous savions que ce virus était particulièrement virulent à l’égard des personnes âgées. Nous pouvions craindre un nombre important de décès en Ehpad. Mais s’il peut paraître trop élevé, il convient de mettre ce bilan en regard des 700 000 personnes qui vivent dans ces établissements. La grippe est responsable de 10 000 à 15 000 morts tous les ans. La canicule entraîne aussi chaque année 3 000 morts en excès. à chaque période critique, on se rappelle combien ce secteur fonctionne à flux tendu.
Aurait-on pu éviter cette hécatombe ?
R. G. : Il est difficile de tirer les conséquences de cette période épidémique qui n’est pas achevée. Le manque de masques et de tests a rendu les choses plus compliquées. La pénurie de personnels, dans un secteur notoirement sous-doté, a également pesé. Quand on veut mettre en place des mesures d’hygiène drastiques, cela demande la mobilisation de temps professionnel dont nous ne disposons pas.
Certains groupes privés ont été montrés du doigt pour avoir enregistré une forte mortalité. Des familles ont engagé des recours en justice. Y a-t-il eu des défaillances ?
R. G. : Nous avons fait face à une épidémie que nous ne connaissions pas. Des décès, on en a enregistré et pas seulement dans les établissements privés, qui représentent 20 % du secteur. On peut entendre la douleur des proches. Qu’il y ait pu avoir des erreurs de communication, c’est possible, mais les choses sont parfois plus complexes qu’elles peuvent le paraître. Que des familles ayant souffert cherchent par la voie judiciaire une sorte de réparation peut s’entendre. Mais est-ce la bonne voie ? Faut-il rechercher des coupables ou des boucs émissaires dans une période épidémique ? Nous n’en sommes pas sûrs. L’État pourrait en revanche recruter des psychologues pour soutenir les personnes âgées mais aussi les familles et les équipes dans cette période difficile.
Vous préparez-vous à une deuxième vague ?
R. G. : L’épidémie n’est pas stoppée, la situation reste préoccupante. Pour autant, nous ne sommes pas dans le même cas de figure qu’au début de l’épidémie. Des précautions sont prises. S’il y a une deuxième vague, nous espérons pouvoir l’affronter en étant mieux préparés que pour la première. Un problème se pose néanmoins. Notre secteur est sous-doté et les professionnels font front depuis deux mois et sont épuisés. Il faudra organiser un temps de récupération. Le ministre de l’Économie a annoncé un plan de relance. Celui-ci doit réserver 5 ou 6 milliards d’euros pour recruter massivement dans le secteur et permettre ce relais. Recruter dès à présent permettrait de mieux affronter une éventuelle deuxième vague et de préparer la future loi « grand âge autonomie » pour 2021, devenue indispensable.
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