ERS 2022

Tabac, faut-il brochodilater les patients symptomatiques sans anomalies spirométriques ?

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Publié le 19/09/2022
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Traiter par bronchodilatateurs des personnes exposées au tabac et présentant des symptômes respiratoires mais pas d’anomalies spirométriques est-il pertinent ? Une publication tend à répondre par la négative alors que ce cas de figure se rencontrerait chez la moitié des anciens gros fumeurs, selon l’étude Spiromics menée en 2016. « Bien que ne remplissant pas les critères diagnostiques de BPCO, ces personnes sont souvent traitées au moyen des thérapeutiques de la BPCO. Or les preuves à l’appui de ces prescriptions font défaut », reconnaît le Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU Pointe-à-Pitre), présidente sortante de la Société de pneumologie de langue française. Dans Spiromics, près d’un tiers de cette catégorie de patients était traité par bronchodilatateurs inhalés, glucocorticoïdes inhalés ou les deux.

Pas d’utilité avérée D’où l’intérêt suscité par l’étude Rethinc, présentée lors du congrès. Cet essai, très attendu, coordonné par le Dr Meilan Han (University of Michigan, États-Unis), a inclus 535 personnes symptomatiques ayant fumé 10 paquets-années au minimum et à la fonction pulmonaire préservée. Deux fois par jour et pendant 12 semaines, ces patients ont reçu soit un placebo, soit de l’indacatérol (β 2-agoniste) associé à du bromure de glyco­pyrronium (antagoniste des récepteurs muscariniques – anti­cholinergique – de longue durée d’action). « Bien que le volume expiratoire maximal par seconde ait augmenté d’environ 40 ml dans le groupe traité, cette bithérapie fixe n’a pas diminué les symptômes », résume le Dr Meilan Han. 56,4 % des participants du groupe traitement et 59 % du groupe placebo ont présenté une diminution de 4 points du score au questionnaire respiratoire du St-George’s Hospital.

Par conséquent, comme le suggère le Pr Don Sin, directeur du Centre for Heart Lung Innovation de Vancouver (Canada) et éditorialiste du New England Journal of Medicine, où paraissait l’essai simultanément, « ces médicaments devraient très probablement être réservés aux patients atteints de BPCO, dont la limitation du débit d’air est cliniquement significative ». « Placer ces patients sous association de bronchodilatateurs à longue durée d’action semble donc inutile, mais ces résultats devront être confirmés », nuance le Pr Raherison-Semjen. Et ce, d’autant que « ces patients expriment une plainte à laquelle il nous faut répondre » et que leur état « pourrait correspondre à un stade pré-BPCO qu’il pourrait être intéressant de traiter précocement afin de limiter la dégradation de la fonction pulmonaire », ajoute-t-elle.
Une autre limite de cet essai est la variabilité dans le temps des symptômes respiratoires chez les personnes exposées au tabac. Pour preuve, près de 60 % des patients qui n’ont pas reçu de traitement actif ont présenté une amélioration spontanée de leurs symptômes et de leur état de santé sur trois mois.

Corticoïdes

Le Pr Raherison-Semjen s’interroge aussi sur la pertinence de l’association de bronchodilatateurs utilisée dans l’étude plutôt qu’une association fixe avec des corticoïdes inhalés. En effet, alors que les bronchodilatateurs améliorent l’essoufflement et la tolérance à l’exercice, ils sont généralement inefficaces pour la toux. « Les médicaments existants dans la BPCO, comme les glucocorticoïdes inhalés ou les inhibiteurs de la phospho­diestérase-4, ou de nouvelles thérapeutiques comme les antagonistes des récepteurs P2X3, pourraient être plus efficaces contre la toux et la production d’expectorations liées au tabagisme », appuie le Pr Don Sin.

Mais pour le Pr Laurent Guilleminault (service de pneumologie, CHU de Toulouse), « cette étude met surtout en évidence les limites de la médecine pharmacologique. La dyspnée et la toux chez le patient fumeur ou ex-fumeur avec spirométrie normale montrent bien que l’origine de la dyspnée n’est pas uniquement bronchique, mais peut être liée à un déconditionnement à l’effort, un surpoids ou une obésité, un syndrome d’hyperventilation, etc. Cette étude renforce l’intérêt de la spirométrie et l’importance d’un diagnostic de BPCO étayé. Le fait d’avoir une BPCO ou non change la donne car les traitements bronchodilatateurs sont en revanche efficaces chez les patients BPCO. Cela appuie aussi la nécessité d’explorer plus avant les symptômes, la physiopathologie et les comorbidités du patient, de ne pas se contenter d’une réponse pharmacologique et de compter sur la réadaptation respiratoire et l’éducation hygiénodiététique ».


Source : lequotidiendumedecin.fr