Dans votre courrier du 29 novembre, Hugo Tiercelin, en fin d'internat de psychiatrie, appelle « ses chers maîtres au secours ». Il a été effrayé par la demande d'euthanasie faite par une patiente très âgée atteinte d'une polypathologie sévère cependant non létale. Pour lui, « derrière une demande de mort se cache toujours une souffrance à soulager, à apaiser, à soigner ». La décision de mise à mort du soigné par le soignant lui paraît « impensable et insensée ». Il s'inquiète sur les risques encourus par les « euthanasiaires », les 200 000 suicidaires répertoriés chaque année en France qui nécessiteraient, si la loi sur l'aide à mourir y était votée, « la mise en place de moyens industriels dont l'efficacité a déjà été démontrée aux temps les plus sombres de nos histoires humaines ».
Admirable foi de la jeunesse, regrettable vision réduite de ce qu'est la douleur ! Tu as raison Hugo d'affirmer que derrière une demande de mort se cache souvent une dépression, souvent n'est pas toujours ! Je me souviens d'avoir « aidé à mourir » un patient qui se cognait la tête contre les murs du fait de métastases cérébrales ne pouvant plus être soulagé. Un adulte épuisé du fait d'une sclérose latérale amyotrophique, un enfant étouffant du fait d'une mucoviscidose évoluée ne peuvent demeurer conscients dans leur lente agonie ! Les psychiatres méconnaissent les douleurs du corps. Respectes-tu Hugo nos confrères de pays étrangers assurant une « mort paisible » (euthanatos) à leurs patients en les qualifiant d'insensés ? Tu accepterais par contre, comme on te l'a appris dans les centres de soins palliatifs, de pratiquer une sédation profonde et continue, en t'assurant un peu hypocritement qu'elle reste un simple soin… Le principe du double effet n'existe pas !
Enfin, tu réitères la terrible confusion assimilant euthanasie et eugénisme. Apprends d'un vieux maître que ce rapprochement est malhonnête ! Les victimes collectives des « temps les plus sombres » n'auraient demandé qu'à vivre ; les demandeurs d'aide à mourir le font individuellement et en principe librement, mais cela doit bien sûr être strictement contrôlé. Que ta foi en un si beau métier ne t'aveugle pas : il est parfois, certes le moins souvent possible, nécessaire qu'un soignant aide à mourir. Moïse n'a jamais transmis sur ses tables divines : « Tu ne tueras point », mais, obligatoirement au vu de l'histoire de l'humanité : « Tu ne commettras pas de meurtre », ce qui est bien différent.
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