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Dossier

Enquête

DPC : un peu, beaucoup ou pas du tout ?

Publié le 21/06/2013

DPC… Apparemment, ces trois lettres laissent encore dubitatifs un grand nombre d’entre vous… Plus de 800 lecteurs ont répondu à notre grande enquête, via notre site Internet. Et il se révèle que le Développement Professionnel Continu reste redouté par certains, critiqué par beaucoup pour ses insuffisances budgétaires ou sa complexité et que la majorité de la profession n’a pas attendu le DPC pour se former ou s’évaluer…

À quelques jours du 7e Congrès de la Médecine Générale du 27 au 29 juin 2013 au Palais des Congrès de Nice Acropolis, Le Généraliste a pris le pouls de nos lecteurs sur un dossier « chaud » : le DPC (Développement Professionnel Continu). Lancée au mois de mai sur notre site Internet, notre grande enquête a suscité un vif intérêt de la part de nos lecteurs. Vous êtes 813 à avoir répondu à notre questionnaire sur ce nouveau dispositif… et près de 160 commentaires écrits ont été reçus à cette occasion ! Beaucoup d’entre vous se plaignent de ne pas être assez informés sur le DPC, tandis que d’autres dénoncent une nouvelle usine à gaz qui ne permettrait pas d’améliorer les conditions de la formation continue des médecins.

Notre enquête montre d’abord que le DPC doit décidément faire ses preuves pour être adopté par les généralistes. Trois ans après la réforme Bachelot, il n’est en effet pas encore bien connu dans son principe par une majorité de la profession. Seul un médecin sur deux répondant à notre questionnaire définit le DPC comme un dispositif qui combine à la fois FMC et évaluation des pratiques. En revanche, un quart affirme ne pas assez le connaître pour le définir précisément, et 17 % cantonnent le dispositif à de la FMC (voir infographie).

Indifférence, mais aussi parfois méfiance, perceptibles dans nombre des courriers reçus. Le Dr Bruno Canovas, généraliste à Bordeaux (Gironde), le qualifie d’« usine à gaz qui sert surtout à engraisser des parasites ». Même tonalité chez le Dr Jean-Louis Clouet installé aux Sorinières (Loire-Atlantique) qui craint « une fois de plus le montage d’une usine à gaz gouvernementale plutôt que la simplicité du terrain ». Un autre évoqué raille un « machin de technocrates ». Et plusieurs n’y croient pas qualifiant de « serpent de mer » ce énième dispositif.

Le compte n’est pas bon

Pas tendres avec le DPC, vous êtes également nombreux à dénoncer une insuffisance budgétaire pour financer cette réforme, ce qui vous rend plutôt dubitatifs – voire pessimistes – quant à la possibilité de voir un jour le dispositif se mettre en place. «Le forfait global » de 3 700 euros par médecin est « inutilisable » pour le Dr Eric Bernard (Sainte- Anastasie-sur-Issole, Isère). « Soit le niveau est inférieur, soit il est supérieur et, dans ce cas, cela veut dire qu’il faut qu’on indemnise nous-mêmes l’organisme formateur ! », regrette-t-il. D’autres comme le Dr Frédéric Maurier (Saint-Jean-des Mauvrets, Maine-et-Loire) s’inquiète de l’indépendance de la formation et plaide pour un auto-financement. « Je pense que les médecins doivent en assurer une bonne partie pour garantir une indépendance aussi bien vis-à-vis des laboratoires que des autorités de tutelle ».

L’arrivée de ce dispositif national est aussi perçue par certains comme un signe annonçant la « mort » de la FMC de terrain dispensée par des petites associations. « Le DPC a considérablement réduit la diversification des formations conventionnelles. Certaines associations reconnues par le CNFMC ne le sont plus par le CNDPC, c’est inadmissible », dénonce le Dr André Lecareux (Aumale, Seine-Maritime).

Sceptiques sur un dispositif qui, de fait, est long à se mettre en place, les médecins n’ont pas attendu le DPC pour s’inscrire dans des programmes de qualité. Notre enquête confirme qu’ils se forment et s’évaluent déjà pour la plupart d’entre eux. Près de six généralistes sur dix font partie d’une association de FMC, et 52 % ont déjà ou sont en train de participer à un programme d’évaluation des pratiques. Pour près d’un sur deux (45 %), la durée de leur formation se situe entre 3 et 8 jours par an.

À noter toutefois qu’une partie de la profession manque visiblement de temps pour se former : c’est sans doute ainsi qu’il faut interpréter le fait que 46 % ne souhaitent pas en faire davantage. Vous êtes d’ailleurs nombreux à nous faire part de votre surcharge de travail. Telle le Dr Denise Desmet (Etreux, Aisne) qui demande « plus de temps libre » pour pouvoir se former « sans stress » au retour des formations. À plusieurs centaines de kilomètres au sud, le Dr Jean-Jacques Rigot à Saint-Sauveur-de-Montagut (Ardèche), explique qu’il travaille entre 70 et 80 heures par semaine dans un territoire en voie de désertification médicale, il lit des revues médicales, mais assure qu’il « ne peut pas faire plus ».

Les supports de formation classique plébiscités

La presse médicale continue d’ailleurs de faire partie du tiercé gagnant en matière de formation. La plupart des généralistes continuent en effet de plébisciter les supports classiques, comme les soirées de formation (54 %) ou la lecture de la presse médicale (45 %). Mais l’e-learning fait une percée (54 %), la participation à des congrès ou des colloques ainsi qu’aux groupes d’échanges de pratique arrivant en troisième position (37 %).

Pourtant, s’agissant du DPC, la nouveauté est ailleurs. Notre enquête montre que la greffe ne prendra avec les généralistes que si on leur propose un dispositif à la carte : 73% veulent un DPC « sur mesure » qui s’adapte « aux besoins spécifiques de chaque médecin », 83 % réclament des actions qui collent au plus près de leur emploi du temps. Concernant les actions proposées, il y a apparemment encore beaucoup à faire : un médecin sur deux se dit prêt à se formerdavantage en cas de « meilleure adéquation des programmes à mes attentes » et la majorité d’entre eux (70 %) choisira demain son parcours en fonction du thème proposé plutôt qu’en fonction de la méthode. Au passage, les médecins généralistes militent pour un dispositif indépendant des caisses où les thèmes ne seraient pas imposés par les pouvoirs publics et le financement réparti entre les médecins, l’Assurance Maladie et l’État (53 %).