À première vue, le directeur d’un hôpital de proximité a tout pour être heureux : les pouvoirs publics et autres organismes nationaux promeuvent la proximité, crise des gilets jaunes aidant. Dans cette optique, notre place dans les groupements hospitaliers de territoire (GHT) et le parcours de soins y est réaffirmé, groupes de travail et propositions (financement, gouvernance, labellisation…) se multiplient. Pourquoi donc un tel malaise, voire une telle crise notamment dans les GHT ?
Ceux-ci à l’origine, devaient améliorer et structurer le parcours du patient sur le territoire de santé. Mais ils se sont transformés en une bureaucratie lourde, inefficiente. Ils ont noyé les hôpitaux de proximité, à grand renfort de guides méthodologiques (achats, SIH…) de la DGOS (Direction générale de l'offre de soins).
Les résultats de l’enquête menée en 2018 par le CNEH (Centre national de l'expertise hospitalière) pour l’ANCHL (Association nationale des centres hospitaliers locaux) en révèlent les travers, qui malheureusement s’amplifient au fil du temps. Déjà les GHT cachent une autre réalité, celle des fusions et des directions communes. 40 % des GHT d’appartenance pour un CHL concernent plus de cinq établissements en direction commune.
Concrètement, l’établissement support du GHT dirige plusieurs établissements. Cela lui donne une très large majorité dans les instances (comité stratégique et commission médicale de groupement), quand il ne dirige pas directement un ou plusieurs hôpitaux de proximité, désormais à ses ordres. Les GHT regroupent d’ailleurs plus de cinq établissements jusqu’à vingt. La voix de l’hôpital de proximité ne pèse pas lourd du tout.
La coopération médicale pas au rendez-vous
Dans les deux tiers des cas, le GHT n’a pas permis de construire une plus grande coopération médicale : il s’agit la plupart du temps de rhabiller ou développer des coopérations existantes. Parfois, du fait des frontières territoriales, des coopérations ont cessé. Dans 95 % des cas, l’hôpital de proximité ne reçoit d’ailleurs même pas d’informations relatives à l’hospitalisation de ses patients dans un autre établissement. Le DIM n’intervient pas. La fusion ou la direction commune permet de se « débarrasser » des patients (vieux, difficiles, dans les établissements satellites.
Les SIH (systèmes d'information hospitaliers) retenus sont beaucoup trop complexes pour les besoins d’un hôpital de proximité, et trop cher à l’exploitation comme à l’investissement (4 à 5 fois le coût actuel).
Le fameux projet médical dit « partagé » a fait l’objet de tellement de réunions et de groupes de travail, auxquels un hôpital de proximité avec des ressources médicales rares et libérales, n’a pu faire face humainement ni faire entendre sa voix et ses singularités.
Sur le plan financier, dans 88 % des cas, les résultats sont jugés très négatifs ; allongement des délais, des coûts (30 % en plus sur les transports sanitaires car au niveau départemental, les ambulanciers ont élaboré une réponse unique). Souvent, la contribution de l’hôpital de proximité au budget du GHT est plus importante que les économies réelles réalisées (jusqu’à 15 fois le montant) ; par économies réelles, il s’agit de celles non imputables à des groupements d’achat antérieurs. De plus en plus dépossédé de ses pouvoirs (gestion des ressources médicales, de l’investissement…), l’hôpital de proximité perd de ses qualités de réactivité, d’adaptabilité et de relations directes et immédiates.
Face à ces faits, que faire ? Pour les pouvoirs publics, il faut plus de GHT. C’est d’ailleurs le point de vue de l’IGAS qui préconise la création d'Établissements territoriaux de santé. C’est l’antithèse de la proximité, des relations avec le terrain, les élus, les usagers, les CPTS. C’est la création d’un monstre administratif qui regrouperait aussi les EHPAD, mais qui tournerait le dos aux autres partenaires (hôpitaux privés, professionnels libéraux de santé… Alors que l’on connaît les travers des mastodontes hospitaliers, il va s’en créer une centaine, fin de la proximité.
Nous souhaitons un autre avenir en lien avec les GHT mais avec un rapport plus équilibré d’hôpital partenaire, qui permettrait de nous consacrer aux relations de terrain avec les professionnels et les institutions locales.
Article suivant
Valenciennes-Hainaut-Cambrésis : des ambitions et des résultats
La voix de l’hôpital de proximité ne pèse pas lourd
Valenciennes-Hainaut-Cambrésis : des ambitions et des résultats
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »