L’épidémie mondiale actuelle provoquée par le virus du SARS-CoV-2 illustre avec force le lien entre érosion de la biodiversité et apparition de nouveaux virus. Hier, l’épidémie du SRAS aurait dû nous mettre en alerte. Demain, la fonte du permafrost fait craindre la résurgence d’autres agents pathogènes. Il est maintenant scientifiquement établi que le réchauffement climatique provoquera de nouvelles pandémies et constitue un facteur de risque important pour la santé humaine.
En tant que médecins, nous sommes déjà les témoins des impacts du dérèglement climatique sur la santé (maladies infectieuses, maladies chroniques, multiplication d’allergies, asthme, recrudescence de cancers, augmentation des risques cardiovasculaires…). Aussi, l’OMS dans une publication récente estime que le changement climatique engendrera jusqu’à 250 000 décès supplémentaires par an dus notamment à la malnutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress. Agir pour le climat, c’est donc agir pour préserver nos systèmes de santé et la santé de nos patients.
On peut donc regretter que les propositions de la convention citoyenne pour le climat ne reçoivent pas un accueil plus favorable de la part du gouvernement. En guide de voie de sortie, a été émise l’idée d’un référendum pour intégrer le droit de l’environnement dans les premiers articles de la Constitution. Cela semble redondant et juridiquement inutile ! En effet, depuis 2005, la charte de l’environnement figure dans le bloc de constitutionnalité. Son article 1er énonce que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. ».
Force est de constater que son application est encore trop limitée. Un autre enjeu est la reconnaissance de l’écocide et des actions contre l’inaction climatique. Celles-ci pourraient à moyen terme devenir des actions juridiques pour le droit à la santé environnementale, tant les liens entre réchauffement climatique et santé deviennent de plus en plus imbriqués.
Les grands projets destructeurs de biodiversité, la sur-densification, l’artificialisation des sols, la destruction de zones humides sont autant de menaces pour notre santé physique, psychique et mentale. L’inaction climatique devient peu à peu une mise en danger de la santé d’autrui.
Cela doit questionner nos modèles de développement. Certains dits « grands projets » sont symptomatiques de la méconnaissance de ces enjeux. À Strasbourg, j’ai participé, avec de nombreux médecins et scientifiques, à la grande mobilisation écologique contre le grand contournement Ouest (GCO). Cette autoroute à camions a détruit des centaines d’hectares de forêts et de terres agricoles. Ces 24 kilomètres de bitume inutiles et écocides qui participent fortement au réchauffement climatique ont été validés par le même gouvernement qui veut aujourd’hui intégrer le droit à l’environnement dans la Constitution !
Partout en France, les projets d’extension d’aéroports, le projet abandonné d’Europa City ou celui de la Montagne d’or en Guyane montrent que les dimensions environnementales et sanitaires ne sont pas prises en compte dans les arbitrages des décideurs publics.
Incontournables professionels de santé
Cependant, de plus en plus de professionnels de santé s’engagent pour promouvoir un urbanisme favorable à la santé. Je suis ainsi fier de faire partie du collectif de médecins « Strasbourg Respire » engagé contre la pollution.
Au niveau local, des politiques volontaristes permettent à la santé environnementale de prendre son envol. Ainsi, sous l’impulsion des nouvelles équipes écologistes, des élus portent dorénavant ses thématiques dans les exécutifs locaux. C’est le cas à Strasbourg où des études d’impacts sont menées pour analyser les projets urbains et leurs impacts sur la santé, où la priorité est donnée aux projets de mobilités actives (promotion du vélo et de la marche à pied, réduction de la voiture en ville, mise en place des Zones à faible émission), où les politiques de santé publique autour des déploiements du sport santé, des maisons urbaines des santés se déploient. Cet engagement se poursuivra demain notamment avec les plans massifs de végétalisations et les ordonnances vertes (prescriptions de légumes biologiques aux femmes enceintes).
J’ai la conviction, en tant que médecin généraliste et adjoint à la maire de Strasbourg, que les professionnels de santé sont des acteurs incontournables de la transition écologique. Je vois que, comme moi, de plus en plus de médecins s’engagent dans cette nouvelle médecine : celle qui lie santé publique et santé environnementale !
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