Éditorial

Ouvrir les vannes de la formation ?

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Publié le 20/06/2025
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Former plus, rapatrier les étudiants partis à l’étranger et faciliter les passerelles pour les professions paramédicales, la proposition de loi de Yannick Neuder, devenu depuis ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, était débattue cette semaine au Sénat, après avoir été approuvée par l’Assemblée nationale fin 2023. Objectif : augmenter rapidement le nombre d’étudiants en médecine dans l’espoir qu’ils s’installent demain sur l’ensemble du territoire. Et mettre fin ainsi à la pénurie de médecins régulièrement pointée comme une des causes des tensions sur la démographie médicale.

Encore faut-il pouvoir accueillir et former les futurs médecins dans de bonnes conditions

S’ils se montrent « très préoccupés par le sujet des déserts médicaux et par l’inégalité d’accès aux soins », les doyennes et doyens des facultés de médecine appellent à mettre les moyens à la hauteur de ces ambitions. La première mesure du gouvernement acte la fin du numerus apertus mais aussi la possibilité pour les agences régionales de santé et les conseils territoriaux de santé d’appeler une université à accroître ses capacités d’accueil « lorsque celles-ci ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels qu'elle a arrêtés ». Oui… mais encore faut-il pouvoir accueillir et former ces carabins dans de bonnes conditions. L’augmentation du nombre d’étudiants admis en seconde année de médecine qui a bondi de 8 000 à 12 000 entre 2014 et 2024, s’est faite « à moyens constants », dénonce la Conférence des doyens. Elle estime ainsi que les facs de médecine « manquent cruellement d'enseignants, de personnels de scolarité, de locaux », tandis que beaucoup de lieux de stage sont « arrivés à saturation ».

Autre cheval de bataille du ministre Neuder : la réintégration des étudiants français qui sont partis suivre un cursus dans un autre pays d’Europe. Un décret en Conseil d’État devra définir les modalités de ce retour. Là encore, les doyens y voient un risque de « dépassement des capacités de formation ». Selon la Cour des comptes, le contingent d’étudiants concernés s’élèverait à environ 1 600 chaque année. Reste à savoir s’ils voudront rentrer au bercail…

Mais surtout, comme les doyens le rappellent, il faut au moins dix ans pour former un praticien… « Ne sommes-nous pas en train de former trop de médecins ? Il est de notre responsabilité collective (…) d’établir une méthodologie robuste de travail pour apprécier au mieux les besoins de santé de demain au plus près des territoires et en correspondance avec les besoins de formation des médecins », alertait déjà en mars dernier le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président de l’Ordre lors de la présentation de l’atlas de la démographie médicale. Ces futurs docteurs n’arriveront-ils pas trop tard… et en trop grand nombre ?


Source : Le Quotidien du Médecin