LE QUOTIDIEN : Quelles sont les principales situations médicales auxquelles sont confrontées les équipes soignantes à bord ?
Dr MARC CASSONE : Parmi les urgences, viennent en premier lieu la noyade, l’intoxication par inhalation de gaz de moteur, les brûlures aux jambes et au niveau du siège liées aux fuites d’essence mélangée à l’eau, l’hypothermie, la déshydratation et l’insolation. Les personnes rescapées peuvent présenter également des traumatismes contondants, d’autres types de brûlures, des fractures, des traumatismes crâniens, des blessures liées aux violences sexuelles ou encore des troubles de santé mentale. Les violences subies sont aussi à l’origine de handicaps physiques de long terme, de grossesses non désirées, d’infections, de malnutrition et de douleurs chroniques. Ces sévices sont essentiellement commis en Libye, mais aussi en Tunisie et dans les pays d’origine.
Quels sont les moyens médicaux dont vous disposez ?
Les équipements sont ceux d’une cellule de crise avancée : défibrillateur, sacs d’insufflation Ambu et bouteilles d’oxygène, attelles, gaze hémostatique, garrots, trousses obstétriques… C’est une pratique qui favorise un retour à la clinique pure, car nous n’avons pas la possibilité d’examens complémentaires pour confirmer nos diagnostics.
L’équipe peut ainsi être amenée à effectuer une stabilisation initiale sur un arrêt cardiaque, des convulsions, des fractures, des saignements majeurs ou des plaies.
Sont disponibles à bord des immunoglobulines antitétaniques, des antibiotiques, des antirétroviraux à administrer si un viol a été subi dans les 72 heures, des traitements abortifs précoces, ainsi que des vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite (DTCP) et contre l’hépatite B.
Quelles sont les spécificités d’une mission maritime ?
On travaille en coopération absolue entre soignants – médecins, infirmières, psychologues – et travailleurs sociaux, qui sont indispensables à l’entrée et au maintien dans le soin. Tous les membres de l’équipe, par ailleurs entraînés aux premiers secours et à la réanimation cardio-pulmonaire, participent à la prise en charge de ces patients polytraumatisés physiquement et psychiquement à travers les activités proposées.
Enfin, nous n’avons ni plateau technique, ni examens biologiques et radiologiques, ni bloc opératoire ; lors d’arrivées parfois massives, il faut opérer des tris sur le modèle des plans blancs et évaluer rapidement nos limites. Et se préparer à suivre au mieux pendant quelques jours ces patients si particuliers que sont nos rescapés.
Le Dr Marc Cassone, urgentiste américain, effectue des missions régulières rémunérées pour Médecins sans frontières. Il exerce dans trois établissements rattachés à l’université du Vermont, dont le Champlain Valley Physicians Hospital.
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