La synthèse du Grand débat a montré l’urgence ressentie par les Français face aux problèmes d’accès aux soins. Cette urgence, les élus locaux la connaissent bien car ils sont les premiers à recevoir les plaintes des citoyens qui n’arrivent pas à trouver un médecin traitant.
La loi santé en discussion ne semble pas leur donner beaucoup d’espoirs. « J’espère que lors de l’examen au Sénat, les sénateurs seront moins timorés que les députés », a estimé Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France (APVF).
Unanimité sur le conventionnement sélectif
Lors d'un débat sur la désertification médicale organisé mercredi après-midi à Paris à leur initiative, l’APVF, l’Association des Petites Villes de France et la Mutuelle Nationale Territoriale ont exprimé leurs inquiétudes. Et les oreilles des médecins ont dû siffler. Si dans les discours, le mot régulation a remplacé celui de coercition, trop péjoratif, les élus locaux continuent de pousser vers limitation de la liberté d’installation des médecins. « On ne peut pas assigner à résidence des professionnels, par contre il n’est dit nulle part qu’où que l’on s’installe, on doit forcément être conventionnés », explique Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (Ain). Dans l’assemblée, le maire de Cognac (Charente), Michel Gourinchas va même plus loin : « Il est légitime que les médecins ne s’installent pas là où ils veulent mais là où l’on a besoin d’eux. »
Beaucoup d'argent public en vain
Pour certains élus, cette demande de régulation apparaît parce qu’ils ont l’impression d’avoir tenté le reste, en vain. C’est notamment le cas de Guillaume Garot, député PS de la Mayenne et ancien maire de Laval et récemment auteur d’une proposition de loi pour un conventionnement sélectif des médecins. « Nous avons mis en place tout ce qu’on nous a demandé : le regroupement des médecins, les maîtres de stage, le logement pour les internes, les emplois pour les conjoints etc. Malgré cela nous ne sommes pas parvenus à résoudre le problème et à garantir un médecin pour chaque Mayennais. Dans mon département l’accès à la santé est la préoccupation numéro 1 ressortie du Grand débat. S’organiser ne suffira pas », plaide-t-il. Xavier Nicolas, maire de Senonches (Eure-et-Loir) a lui aussi remonté ses manches dans sa commune, mais il souligne les difficultés que ses politiques volontaristes peuvent poser aux territoires. La MSP qu’il a fait construire a coûté 1,3 million d’euros, « dont 1 million de subventions », précise-t-il. « Cela fait beaucoup d’argent public, et sans être le milieu du football professionnel, nous parlons de métiers où ce n’est pas non plus la misère, qui sont viables. Nous avons des commerçants qui viennent nous voir pour nous dire que personne ne les aide à payer leur loyer qu'il ne leur reste pas grand-chose à la fin du mois. Nous sommes mal à l’aise », explique-t-il. D’autant plus que les élus présents hier le reconnaissent, cette crise démographique entraîne de plus en plus souvent une surenchère et une concurrence entre les territoires, prêts à offrir en plus, la maison, la voiture, etc. pour piquer le médecin du voisin.
Fin de non-recevoir des jeunes
Et même sans être aussi « convaincus » que les édiles des territoires par la nécessité absolue d’une régulation à l’installation, les grands témoins conviés hier, confirme que l’urgence de la situation pousse dans ce sens. Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF, hôpitaux publics), Frédéric Valletoux estime que la régulation « devient de plus en plus nécessaire. Peut-être qu’on n’obligera pas les professionnels à s’installer, mais si on ne le fait pas il faudra expliquer aux Français pourquoi et dire ce que l’on fait à la place. » « Nous ne manquons pas de médecins mais de médecins qui soignent, dont le quotidien est la prise en charge des Français », a-t-il estimé, ajoutant que la situation générait une « concurrence pas saine entre la ville et l’hôpital ».
Le Dr Jacques Lucas, premier vice-président du conseil national de l'Ordre des médecins, a de son côté affirmé que « l’Ordre n’était pas opposé à la régulation ». « Par contre, a-t-il prévenu, avec une obligation à l’installation je crains que nous allions à l’échec. » Le président de l’Intersyndicale des internes (Isni), Antoine Reydellet, présent dans la salle, a enchéri et mis en garde les intervenants : « Si régulation il y a, vous aurez tout gagné. Les 19 000 postes hospitaliers vacants seront pourvus et il n’y a aura plus personne dans les territoires. »
A l'issue du colloque l'APVF a formulé sept propositions communes pour lutter contre la désertification médicale parmi lesquelles, le conventionnement sélectif et le développement de la formation des maîtres de stages dans les zones sous-denses.
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