Les contours de la révision de la loi de bioéthique se précisent. La mission parlementaire, chargée de préparer le débat législatif, vient de présenter son rapport ce mardi. Le document de 300 pages a été adopté par la mission par une majorité de ses membres.
Le rapport regroupe 60 propositions, rédigées après les 64 auditions réalisées depuis le mois de juin « dans un climat serein et courtois », souligne Xavier Breton, le président de la mission d’information de la Conférence des présidents. Les propositions représentent « la modification la plus importante » de la loi de bioéthique depuis son instauration, juge le rapporteur de la mission d'information Jean-Louis Touraine (LREM). Cette modification se justifie selon lui par les nombreux « sujets arrivés à maturité ». Il s’agissait de n’être « ni trop frileux », « ni de basculer dans la témérité et de laisser faire des choses que la prudence pourrait réprouver », commente le rapporteur.
Extension de la PMA et procréation post-mortem
La procréation est l’objet de 13 des 60 propositions de la mission d’information. Cette dernière préconise l’ouverture de la PMA (assistance médicale à la procréation) aux couples de femmes et aux femmes seules. Elle est également favorable à l’autorisation de la procréation post-mortem (avec le sperme du père décédé ou un embryon conservé avant le décès), mais aussi son remboursement par la Sécurité sociale et à la levée de l’anonymat des donneurs, sous réserve du consentement du donneur pour les dons effectués avant l’entrée en vigueur de la prochaine loi.
Concernant la transparence sur les origines, « ce qui prime, c’est l’intérêt de l’enfant », insiste Jean-Louis Touraine. Dans cette perspective, la mention du recours à un tiers donneur pourrait être introduite sur les extraits de naissance. Il s’agit, explique le rapporteur, « d’une forte incitation aux parents d’en parler aux enfants ». De même, la mission souhaite la reconnaissance des enfants nés par GPA (gestation pour autrui). « Nous n’acceptons pas qu’il y ait des enfants bâtards », assure Jean-Louis Touraine. La mission d’information ouvre par ailleurs la possibilité d’autoconservation des ovocytes et encourage le lancement de campagnes d’information sur les dons.
Faciliter les recherches impliquant l'embryon
Concernant les recherches impliquant l’embryon, 5 propositions sont portées, et notamment l’allongement de la durée de culture de l’embryon, un assouplissement du régime juridique, une autorisation des recherches sur les cellules souches germinales ou encore la levée de l’interdiction de la création d’embryons transgéniques.
Huit propositions portent par ailleurs sur la médecine génomique et les tests génétiques. L’ambition est de garantir à la fois un « droit à la connaissance », mais aussi un « droit à l’ignorance », explique Jean-Louis Touraine. Il est ainsi préconisé de promouvoir la profession de conseiller en génétique pour favoriser la compréhension des données, mais aussi d’étendre les dépistages néonataux « aux maladies pour lesquelles une prise en charge précoce offre un avantage significatif ». Les tests pourraient également être autorisés pour les diagnostics préimplantatoires ou pour les dépistages pré conceptuels dans une logique de prévention des maladies graves.
Vers un comité d'éthique spécifique pour l'IA
Au chapitre des dons des éléments et produits du corps humain, l’idée de créer des chaînes de dons. « Un donneur qui se révèle n’être pas compatible avec un membre de sa famille doit pouvoir donner à une autre famille », détaille Jean-Louis Touraine. La mission préconise également un renforcement de la formation avec la création d’un diplôme.
Treize propositions touchent à l’intelligence artificielle (IA), qualifiée de « sujet numéro un de la bioéthique du futur », par le rapporteur. Outre la création d’un comité d’éthique spécifique, d’abord « incubé » au sein du CCNE, la mission recommande le maintien du principe d’une responsabilité du médecin qui, « en l’absence de défaut établi de l’algorithme, ne peut être engagée qu’en cas de faute de sa part ». Autre proposition, introduire un principe législatif de garantie humaine du numérique en santé.
Vers une révision tous les 5 ans ?
Enfin, sept propositions portent sur les modalités de révision de la loi de bioéthique. Prévue tous les 7 ans, cette révision pourrait intervenir tous les 5 ans, soit « une fois à chaque mandat », mais sera toujours précédée de l’organisation d’États généraux. La mission préconise également de créer une délégation permanente à l’Assemblée nationale, chargée de suivre ces questions et de produire un rapport annuel tirant le bilan des révisions précédentes et prenant en compte les questions émergentes, en lien avec les avancées scientifiques.
Suite à ces propositions, les ministères concernés (Santé, Justice, Enseignement supérieur et Recherche) proposeront le texte de loi final qui sera débattu par les députés et sénateurs. Les parlementaires et l’exécutif tablent sur une première lecture de ce texte avant la pause estivale des travaux parlementaires. D’ici là, députés et sénateurs se verront proposer la participation à des « séminaires » afin que leur soient présentées les « principales problématiques » du projet de loi, a indiqué le Premier ministre Edouard Philippe.
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