Je suis attristé d'entendre ces nombreuses critiques concernant notre pratique de l’euthanasie en Belgique. Les dernières entendues à mon sujet : 1) non je ne confonds pas soigner et tuer… 2) Je ne suis pas devenu le suppôt de Satan… 3) Je n’ai pas encore pris de ticket pour l’enfer… (lettre manuscrite d’un médecin français)… 4) Non, je ne vends pas aux Français des kits pour mourir… Etc.
La réalité est tellement différente de ce que je lis dans certains journaux français. Je me demande parfois si nous voyons les mêmes patients et si nous pratiquons la même médecine. Il paraît que la médecine française est la meilleure en Europe. Pourquoi tous ces malades français nous appellent chaque jour pour venir terminer leur vie en Belgique ? Médecin généraliste depuis plus de quarante ans, je n’ai jamais entendu un de mes patients belges vouloir finir sa vie en France !
Le témoignage émouvant de la veuve d'un confrère
Un de mes amis, médecin, nous a quittés il y a quelques jours. Il avait demandé de pouvoir bénéficier d’une euthanasie, les conditions très strictes de la loi belge étaient remplies. Quelques jours après, son épouse m’a envoyé ce témoignage magnifique : « Le fait de pratiquer cet acte suprême à domicile a permis aussi bien à mon mari fort diminué mais conscient, qu’aux enfants et petits-enfants, de vivre des moments d’amour et d’émotion d’une intensité inouïe qui les ont marqués à tout jamais en leur donnant une magnifique leçon de vie et de dignité. »
Un pays qui dépénalise l’euthanasie gagne en humanité. J’ai passé ma vie à dire au revoir à ceux qui me quittaient mais je sais qu’un jour je dirai au revoir à ceux qui restent. Je veux le faire dignement.
Un pays qui institue l’euthanasie se doit aussi 1) d’améliorer constamment son offre de soins et 2) de garantir la protection des individus les plus fragilisés. L’objet de la loi de 2002 relative à l’euthanasie est notamment de mettre un terme à ces situations clandestines dangereuses pour le patient et pour le médecin. La loi garantit ainsi aux actes d’interruption de la vie à la demande du patient, une transparence souhaitable tant pour le patient que pour le médecin.
N’oublions pas qu’en 2002, la Belgique a dépénalisé l’euthanasie mais a aussi promulgué la loi sur les droits du patient et la loi sur les soins palliatifs. Août 2002 : cette loi sur les droits du patient institue leur autonomie décisionnelle. Sans faire de l’euthanasie un droit, elle soutient le droit du malade à la demander à son médecin.
Je respecte les soins palliatifs, mais ils ne sont pas la panacée
J’ai un profond respect pour les Soins Palliatifs avec qui je travaille quotidiennement. Ils font partie en Belgique des lois de 2002 : droits du patient, soins palliatifs et dépénalisation de l’euthanasie. À chaque réunion française, je répète que je ne suis pas du tout contre les soins palliatifs. Je les respecte et j’admire tous ceux qui y travaillent.
Ils ne sont évidemment pas assez développés en France. Malheureusement ils ne sont pas la panacée universelle. Dois-je encore rappeler que, chaque jour, des Français nous appellent ? Certains sont passés par les soins palliatifs et ils ont accepté tous les traitements imposés. Mais ils sont au bout de la souffrance et ils nous supplient de les aider.
Que peut faire le médecin ou l’infirmier devant un patient paralysé qui se plaint de ne plus pouvoir tendre le bras vers ceux qu’il aime ? Je suis certain que nous devons lui laisser le choix d’une autre fin de vie.
J’ai toujours essayé d’être le plus possible à l’écoute de mes patients. Juguler la souffrance physique et psychique, conséquence de la maladie ou d’un accident, était et est toujours un de mes buts. Ce qui malheureusement n’est pas toujours possible.
Médecin généraliste, j’accompagne mon patient quand la souffrance le déborde et devient mutilante. Je me dis : "ce n’est pas sa vie que je raccourcis mais son agonie que je veux abréger."
Que veut le malade ? Que peut-on faire de mieux pour lui ? Que faire pour que la fin de vie se passe dans les meilleures conditions ? L’euthanasie est un acte de soin, éthique et légal : le premier devoir d’un soignant est de soulager la douleur.
Article précédent
L’ambiance euthanasique nous pousse à céder à la peur et « l’à quoi bon »
L’ambiance euthanasique nous pousse à céder à la peur et « l’à quoi bon »
Un pays qui dépénalise l’euthanasie gagne en humanité
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes