Insultés, harcelés, malmenés, agressés physiquement, aujourd’hui, les médecins et les infirmiers ne sont plus considérés comme des héros. Et pourtant, il y a cinq ans à peine, on les applaudissait et on les célébrait aux fenêtres. Mais c’était durant la pandémie de coronavirus et depuis, les choses ou plutôt la perception de la santé ont radicalement changé. Le constat est sans appel. À l’échelle nationale, quelque 25 940 cas de violences contre les soignants ont été recensés l’an dernier contre 18 000 en 2023, un chiffre qui traduit une augmentation de 33 % sur un an et de 38 % sur les cinq dernières années. Et en ce début d’année, la tendance est loin de s’inverser, plusieurs épisodes de violence contre des médecins et des infirmiers ayant été enregistrés dans le sud et le nord du pays durant les deux premières semaines du mois de janvier.
Manque de prévention et non application d’une recommandation
Face à ces chiffres révélateurs de la montée de la violence dans le public mais aussi le privé, les syndicats de médecins et les différentes fédérations alertent : la profession ne bénéficie plus d’une image favorable auprès de la population pour des raisons structurelles, culturelles et d’organisation. « Aujourd’hui, le médecin n’a plus le temps de discuter avec le patient pour cerner les contours de son malaise en raison de la pénurie de soignants et de la bureaucratie excessive qui limite son autonomie et mine son image dans l’opinion publique qui le considère désormais comme un technicien. Un peu comme un plombier qui vient réparer un robinet et sur qui on cogne si on estime que le travail est mal fait », analyse le Dr Filippo Anelli, généraliste et président de la Fédération nationale des médecins, des chirurgiens et des chirurgiens-dentistes (FNOMCeO). Une recommandation de 2007 a introduit un code fondé sur des règles, des procédures et des mesures de prévention pour sécuriser les lieux de travail quels qu’ils soient, avec l’obligation pour les employeurs, d’évaluer ponctuellement les risques sur les lieux de travail et de rédiger un rapport. Mais elle n’est pas appliquée. « Pas moins de 50 % des soignants ont été victimes de violence verbale ou physique l’an dernier, cette situation inquiétante est le fruit d’un manque cruel de prévention ou de protection sur les lieux de travail et de la non-application de la recommandation de 2007 », déplore le Dr Anelli.
Relancer la communication entre médecin et patient
En revanche, la fédération a déjà marqué plusieurs points. D’abord, en obtenant en 2022, la création de la journée nationale contre la violence sur les soignants qui est célébrée chaque année le 12 mars. Puis, en organisant au Parlement, la projection du film documentaire « Notturno », avec des témoignages de soignants victimes de violence. Il a également été demandé aux ordres régionaux des médecins d’organiser des projections. « L’objectif de cette démarche est de sensibiliser le gouvernement sur l’urgence de la situation », confie le Dr Anelli. La Fédération a également proposé deux projets de loi qui ont été adoptés en novembre dernier par le parlement italien. D’abord, la loi 113 qui permet désormais de poursuivre automatiquement un patient ayant agressé un soignant. L’autre dispositif, concerne l’arrestation « en flagrant délit différé ». Cette mesure permet à la police, photo ou vidéo à l'appui, d'arrêter une personne dans les 48 heures suivant l'acte répréhensible commis comme si c'était en flagrant délit, alors qu'auparavant l'enquête devait être plus avancée pour permettre la privation de liberté. L’autre point important inséré dans ce même dispositif concerne les dommages causés dans les hôpitaux, désormais punis plus sévèrement, avec des peines de prison allant d’un à cinq ans, contre six mois à trois ans auparavant, accompagnées d'amendes pouvant aller jusqu'à 10 000 euros.
Mais à présent, la Fédération veut aller encore plus loin en mobilisant ses représentants qui siègent à l’Observatoire sur la violence pour obtenir la révision de la fameuse recommandation ministérielle 8/2007 sur la violence et sa pleine application à l’échelle nationale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Autre point important dans cette dégradation des relations médecin-patient : le manque de communication. Alors comment inverser la tendance et revenir à une relation plus fluide ? Pour le Dr Anelli, « il faudrait peut-être songer à recruter des médiateurs en milieu hospitalier qui pourraient être des infirmiers pour améliorer le dialogue avec les patients, ceci permettrait de revaloriser l’image de la profession et d’éviter les dérapages ». En ce qui concerne les soignants, en 2019, la Fédération a lancé avec l’aide d’experts et de policiers, un projet de formation pour leur apprendre à dépister les signes avant-coureurs d’une éventuelle forme d’agression et les stratégies de désamorçage. Les plateformes de formation sont ponctuellement révisées pour améliorer les parcours et affiner les instruments en fonction de la montée de la violence.
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