Dans la foulée de son investiture à la présidence des États-Unis, ce 20 janvier, Donald Trump a signé plusieurs décrets, dont l’un vise le retrait du pays de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « L’OMS nous a escroqués », a-t-il accusé, justifiant sa décision par l'écart des contributions financières américaines et chinoises.
Dans le décret, Donald Trump demande aux agences fédérales de « suspendre le transfert futur de tout fonds, soutien ou ressource du gouvernement des États-Unis à l'OMS » et les enjoint d'« identifier des partenaires américains et internationaux crédibles » capables d'« assumer les activités précédemment entreprises par l'OMS ».
Lors de son premier mandat à la tête des États-Unis, Donald Trump avait déjà adopté une telle résolution. Mais, compte tenu du délai d’un an prévu par les accords qui lient l’OMS aux États membres entre l'annonce et la sortie effective, la mesure avait pu être annulée avant l’échéance par son successeur Joe Biden. Le nouveau décret révoque celui signé par Joe Biden, ce qui « pourrait rendre cette décision applicable dès maintenant », avance auprès du Quotidien le Pr Michel Kazatchkine, conseiller spécial auprès du Bureau régional de l'OMS pour l'Europe.
Une décision aux « conséquences pratiques et éthiques considérables »
Cette décision « tragique, absurde et dommageable » aura des « conséquences pratiques et éthiques considérables », juge celui qui a dirigé le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme de 2007 à 2012. « L’OMS va perdre une source considérable de financements, mais aussi des personnels. Le message est aussi destructeur pour l’idée d’une santé mondiale solidaire », poursuit-il.
Au-delà du retrait des États-Unis de l’OMS, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump s’accompagne d’une remise en question des engagements du pays en matière climatique ou d’aide au développement et de l’installation à la Maison Blanche de personnalités sceptiques vis-à-vis du consensus scientifique, à l’instar de Robert Kennedy Jr, un vaccinosceptique pressenti au secrétariat d’État à la Santé. « Le tout forme un cocktail toxique », ajoute le Pr Kazatchkine.
Face à ces menaces et à « ce que veulent les électeurs de Trump ou de Meloni », « nous n’apportons pas de réponse, notre système ne se réforme pas. Les grandes organisations internationales restent dans une inertie bureaucratique, alors que le monde change », déplore l’infectiologue, appelant à un « réveil ».
« La décision de quitter (l'OMS) affaiblit l'influence de l'Amérique, augmente le risque d'une pandémie mortelle et nous rend tous plus vulnérables », a fustigé sur X, Tom Frieden, ancien haut responsable sanitaire sous l'administration de Barack Obama. En se retirant de l'organisation, les États-Unis vont perdre un accès privilégié à des données de surveillance épidémique importantes, ont mis en garde plusieurs experts, ce qui pourrait nuire aux capacités de surveillance et de prévention des menaces sanitaires venues de l'étranger.
Les agences de santé américaines et entreprises pharmaceutiques dépendent également de l'OMS « pour obtenir les données nécessaires au développement de vaccins et de thérapies », relève Lawrence Gostin, professeur du droit de la santé publique à l'université de Georgetown. « Au lieu d'être les premiers à recevoir des vaccins, nous serons en queue de peloton. Le retrait de l'OMS inflige une blessure profonde à la sécurité des États-Unis et à notre avantage concurrentiel en matière d'innovation », a-t-il regretté sur X.
Un retrait aussi du Règlement sanitaire international
À court terme, le plus inquiétant pourrait être le retrait des États-Unis du Règlement sanitaire international, alors que circule dans le pays le virus H5N1 chez les bovins avec un risque non négligeable de transmission à l’Homme. La participation des États-Unis aux négociations actuelles en vue d’un accord mondial de préparation et de riposte aux pandémies apparaît également mise à l’arrêt.
Dans un communiqué publié ce 21 janvier, l’OMS « regrette » la décision de Donald Trump. « Nous espérons que les États-Unis vont revoir » leur position, a déclaré Tarik Jasarevic, porte-parole de l’OMS, lors du briefing régulier de l'ONU à Genève. La Chine a réagi, assurant que son soutien à l’OMS ne faiblirait pas. « Le rôle de l'OMS doit être renforcé, pas affaibli », a souligné le porte-parole de la diplomatie chinoise, Guo Jiakun, ajoutant que « la Chine, comme elle l'a toujours fait, soutiendra l'OMS dans l'accomplissement de ses missions. »
L'Union européenne a, quant à elle, exprimé son « inquiétude », espérant que le nouveau président américain reconsidérera sa décision. « Nous sommes déterminés à coopérer avec nos partenaires américains et nous espérons que cette annonce est encore en cours d'examen », a indiqué la porte-parole pour les questions de santé, Eva Hrncirova, lors d'une conférence de presse à Bruxelles.
La baisse des prix des médicaments aussi menacée
Un autre décret signé par Donald Trump dans la foulée de son investiture, ce 20 janvier, révoque une initiative de l’administration Biden visant à réduire le coût de certains médicaments sur ordonnance pour les bénéficiaires de Medicare [programme de couverture santé pour les plus de 65 ans et les insuffisants rénaux chroniques, NDLR]. Dix médicaments avaient été sélectionnés pour des négociations avec les industriels. La baisse des prix devait entrer en vigueur le 1er janvier 2026 et permettre aux bénéficiaires de Medicare d’économiser 1,5 milliard de dollars dès la première année d’application.
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