Que faire pour répondre à la demande de soins non programmés et désengorger les services d'urgence ? Le jeune député LREM de Charente Thomas Mesnier a rendu aujourd’hui son rapport sur le sujet à Agnès Buzyn. Fruit de plusieurs mois d'auditions avec les représentants des médecins libéraux et hospitaliers, des ARS, l'Ordre et autres acteurs de santé, ce document de près de 80 pages comporte 19 recommandations. Ces pistes devraient servir de base à un nouveau cadre réglementaire pour une mise en œuvre dès 2020.
Le député et médecin urgentiste de formation propose tout d'abord de labelliser via les Agences régionales de santé (ARS), les organisations de réponse aux premiers soins émanant d'initiatives de terrain (lire notre dossier ici), et ce à partir du deuxième trimestre 2018. Ces organisations auront pour obligation d'inscrire dans leur cahier des charges « des demi-journées de soins programmés ». La régulation téléphonique aura ainsi accès à un planning de continuité des soins mis à jour sur www.sante.fr. Le retour à l'obligation de la permanence des soins pour les médecins libéraux n'est cependant pas évoqué.
Pour renforcer l'engagement des médecins libéraux, le député Mesnier évoque plusieurs pistes. Il propose d'« augmenter le poids de la rémunération des soins non programmés dans les financements collectifs et individuels existants ». Thomas Mesnier estime que « les médecins sont déjà au taquet » et plaide davantage pour l'incitation que pour la coercition. De nouveaux indicateurs devraient donc être mis en place dans la Rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) ainsi que dans l'Accord cadre interprofessionnel (ACI), rémunération forfaitaire sur objectifs accordée aux Maisons de santé. Un nouvel arrêté pourrait permettre aux MSP de « recourir sur place à l'imagerie et la biologie » lorsque les laboratoires sont fermés ou trop éloignés de la consultation de soins non programmés.
Revalo de la visite et délégation
Une revalorisation de la visite à domicile est également une piste évoquée. Depuis plusieurs mois, les syndicats demandent un tarif de 70 euros pour les personnes dépendantes. La délégation de la visite et de certaines demandes de soins non programmés vers d'autres professionnels de santé (infirmières, pharmaciens, kinés) pourrait également « libérer du temps médical » si on en croit le rapport. « Bien des demandes de soins non programmés ne nécessitent pas d’avoir fait 10 ans de médecine », affirme Thomas Meynier. Il avance le « partage de compétences dans le cadre de protocoles nationaux à mise en œuvre locale ».
Ces protocoles-types devraient voir le jour dès 2018 et seront évalués en 2020. « Un exemple, lors des épidémies hivernales, face à un patient qui a mal à la gorge, le pharmacien peut très bien faire un test (NDLR strepto-test) et délivrer lui-même les médicaments, sous réserve de retour vers le médecin traitant qui doit rester la pierre angulaire », précise Thomas Mesnier.
Le rapport prévoit également de lever les obstacles budgétaires qui font que les patients se tournent de plus en plus vers les services d'urgence pour ne pas avoir à avancer des frais. Le député de Charentes veut modifier la loi pour permettre aux médecins intervenant dans les organisations de soins non programmés d'être ponctuellement considérés comme médecin traitant du patient ? Grâce à cette exception, le patient ne devra pas payer la majoration du ticket modérateur hors parcours de soins.
Numéro unique et tiers-payant
Les organisations labellisées devront également s'engager à « pratiquer le tiers-payant », déjà appliqué aux urgences mais aussi à proposer « les tarifs opposables » et « utiliser une messagerie sécurisée », préconise Thomas Mesnier. Il conseille par ailleurs de faire tout un travail de pédagogie auprès des patients, afin qu'ils puissent mieux se diriger dans le parcours de soins.
Un numéro unique de régulation santé devrait d'ailleurs être mis en place 24/24 heures et tous les jours de la semaine selon le député. Ce numéro pourra assurer une orientation médicale vers l'ambulatoire ou les urgences mais aussi délivrer « un conseil médical, des consultations de télémédecine », indique le document. S'agira-t-il du 116 117 ? Un rapport demandé par Agnès Buzyn sur un éventuel regroupement de tous les numéros d'urgence dans un numéro unique doit être rendu avant l'été. Les syndicats plaident de leur côté pour le 116 117, qui serait dédié uniquement aux soins non programmés et à la permanence des soins.
Pour la profession, ce rapport, très attendu notamment depuis la polémique autour de l'affaire Naomi Musenga, ne doit pas être la seule base d'une éventuelle réforme pour la profession. Dans un communiqué intersyndical (MG France, CSMF, SML et FMF) publié ce matin, les médecins libéraux demandent à leur tour à être entendus par Agnès Buzyn sur la question des soins non programmés. Les médecins « ont depuis longtemps développé une expertise de ces sujets qui a conduit à des évolutions majeures de l’organisation des soins, estiment-ils, comme par exemple la mise en place des maisons médicales de garde (MMG) ».
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