Alors que 96 % des Français sont couverts par une complémentaire santé (mutuelles, institutions de prévoyance, assurances), la Drees (service des études du ministère de la Santé) s’est intéressée à l’impact de la réforme du 100 % santé (ou reste à charge zéro) sur l’accès aux soins et sur le portefeuille des assurés.
Lancée progressivement à partir de 2019, cette réforme propose aux personnes couvertes par un contrat de complémentaire dit « responsable » (soit 98 % du marché) des paniers de soins sans reste à charge dans trois secteurs où l’Assurance-maladie obligatoire intervient peu : les prothèses dentaires, les prothèses auditives et les lunettes.
Primes en forte hausse chez les plus de 85 ans
Dans son étude publiée le 29 avril, la Drees constate qu’améliorer l’accès aux soins des Français dans ces secteurs où le renoncement à la santé peut être très important a un « coût assurantiel » qui peut se répercuter sur les primes (cotisations), notamment parce que l’assurance-maladie complémentaire (AMC) n’est pas redistributive comme l’assurance-maladie obligatoire – le montant de la prime varie selon l’âge et le risque de l’assuré, en particulier sur les contrats individuels. « Des premiers travaux ont montré que la réforme du 100 % santé conduit essentiellement à améliorer la prise en charge des prothèses auditives et dentaires des contrats individuels, qui couvrent 93 % des retraités, écrit la Drees. Les effets à attendre sur les primes des contrats des assurés sont donc au cœur des enjeux de l’évaluation de cette réforme. »
Premier constat confirmé : la prime mensuelle moyenne d’un assuré par contrat individuel a augmenté, entre 2019 et 2021, au-delà de 40 ans uniquement. Mais cette progression est particulièrement significative chez les plus de 85 ans, avec une cotisation qui bondit de 130 à 146 euros par mois (+ 12 %). À l’inverse, la prime baisse pour un assuré de 20 ans de 36 à 33 euros (- 7 %). Les actifs cotisent peu ou prou au même niveau sur la période, l’impact du 100 % santé étant faible pour les contrats collectifs négociés par les entreprises (68 euros par mois en moyenne en 2021, contre 66 euros en 2019).
Audiologie, dentaire : des taux de recours en nette hausse
Au-delà de cette hausse des cotisations pour une partie des assurés, les plus exposés, la réforme du 100 % santé atteint effectivement ses objectifs en termes d’amélioration de l’accès aux soins, en particulier en audiologie. Le nombre de personnes ayant recouru à des prothèses auditives « a augmenté de 75 % entre 2019 et 2021 », note la Drees. Le taux de recours à une prothèse dentaire a crû de 17 % sur la même période.
Par ailleurs, le nombre de personnes ayant acheté des lunettes a augmenté de 17 % en 2021 par rapport à 2019. Mais « le taux de recours au panier du 100 % santé reste toutefois très limité avec 16 % des recourants sur ce poste en 2021, contre respectivement 39 % et 57 % en audiologie et en dentaire », tempère la Drees.
2,2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en 2021
Ce succès dans l’amélioration de l’accès aux soins n’est pas neutre pour le secteur mutualiste et assurantiel. Les dépenses de santé financées par les complémentaires sur ces trois postes (lunettes, prothèses auditives et prothèses dentaires) ont augmenté « soudainement » de 2,2 milliards d’euros en 2021, « année où la réforme a été entièrement effective, soit une hausse de 30 % environ, après avoir quasi stagné entre 2019 et 2020 », développent les experts. La croissance des remboursements sur ces trois postes s’est ensuite atténuée (+ 6 % en 2023 par rapport à 2021). Cette progression de la dépense a toutefois été pondérée par un moindre recours aux autres postes de soins durant la crise sanitaire. « Entre 2019 et 2021, la baisse des remboursements concerne principalement les médicaments, les consultations de médecins et les hospitalisations », précise la Drees.
« Ce n’est qu’en 2023 que les remboursements des organismes complémentaires relatifs aux postes autres que ceux du 100 % santé dépassent leur niveau d’avant la crise », précise l’étude. Et au total, cumulés sur les années 2020 et 2021, « le surplus de dépenses de 2,1 milliards d’euros pour les postes de soins concernés par la réforme du 100 % santé ont été compensés par une économie de 2,6 milliards d’euros pour les autres postes ».
Et demain ? « La hausse des primes des assurés les plus âgés peut être amenée à se poursuivre, et ce d’autant plus que le recours aux postes du 100 % santé et la connaissance de ce dispositif continuent de progresser », prévient la Drees, qui laisse de côté les dérives commerciales et pratiques répréhensibles induites par la réforme du reste à charge zéro.
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