François Braun :
La situation du système de santé est compliquée. Je ne le nierai pas. Il faut regarder les choses en face et mettre nos forces en commun dans le cadre d'un combat collectif. C'est ce que nous avons réussi à faire lors de la crise Covid. Je veux retrouver cet esprit Covid, c'est que j'ai déployé cet été dans le cadre de la mission Flash pour les urgences. Il faut reconnaître que tous les outils entre établissements privés et publics, dans le cadre de la permanence des soins n'ont pas été mis en place avec cette mission, même si la temporalité fut extrêmement courte.
Je vous le dis sans détour : entre public et privé il ne suffit pas de coexister, il faut faire le pari de la coopération d'une responsabilité partagée à l'échelle d'un territoire pour répondre aux besoins de santé de la population. Je compte sur vous tous pour travailler ensemble. Un autre de mes principes d'action est de partir du territoire. J'ai vu de très beaux exemples, mais aussi des échecs dont il faut tirer toutes les conclusions. Nous sommes face à un nouveau défi, à savoir le rattrapage de soins. Car l'enjeu global est de répondre à une logique d'offre de soins à un système basé sur une réponse aux besoins de soins de la population. Sans ambages, je le dis : il nous faut sortir des concurrences exacerbées, stériles, que ce soit dans le cadre de l'organisation des soins, des salaires ou des recrutements. Nous devons à nos concitoyens la construction de ce grand service public de la santé. Alors je compte sur toutes les cliniques pour renforcer la contribution au besoin de santé de notre population.
Je vous propose de nous projeter dans un nouveau pacte sanitaire pour construire cette réponse territoriale aux besoins de la santé portée par l'ensemble des acteurs. C'est le rôle de la partie santé du Conseil national de la refondation dont je vais dire ici quelques mots : Cette responsabilité partagée à laquelle j'appelle passe par une nécessaire réforme du financement qui doit intervenir sur plusieurs fronts : favoriser des modèles de financement combinés qui soit adapté aux spécificités de chaque champ d'activité et territorialiser les financements pour assurer l'adéquation entre les besoins et l'offre. Je comprends les inquiétudes qui s'expriment sur ces points et je veux rassurer les acteurs. La période transitoire n'a pas permis d'apaiser toutes les inquiétudes. La mise en œuvre opérationnelle se fait avec quelques difficultés. J'ai demandé à mes services de poursuivre le dialogue avec vous pour dissiper toutes ces inquiétudes. Je vous donne une échéance de deux mois pour vous rassurer, stabiliser les choses et conforter nos accords réciproques. Mais il y a aussi des urgences dont fait partie l'inflation qui touche tous les acteurs économiques dont la santé. La préservation du pouvoir d'achat des professionnels de santé doit rester une de nos priorités. Donc nous nous mobiliserons dans le cadre du PLFSS pour que les charges exceptionnelles sur les établissements 2022 et aussi pour 2023 puissent être prises en compte. J'en prends l'engagement avec vous aujourd'hui. En retour, toujours dans la même logique, nous attendons une mobilisation de votre côté pour prendre votre pleine part à cette refondation, à ce renforcement de notre système de santé.
Concernant la concertation dans le cadre du CNR où le secteur privé a toute sa place, je la lancerai le 3 octobre prochain. Cette concertation repose sur une méthode clairement définie. Car l'une des facteurs clés de cette approche, c'est bien de se mettre d'accord sur la cible que nous visons et sur la manière d'y arriver ensemble. Cette initiative de démarche participative sera orientée vers quatre priorités :
Notre première ambition sera de renforcer l'accès à la santé pour tout et pour tous. Il est inacceptable en France aujourd'hui de ne pas trouver un médecin traitant a priori pour nos concitoyens les plus fragiles. Il est aussi inacceptable que des délais d'attente pour des consultations médicales pénalisent les parcours de soins. En un mot, il est inacceptable de ne pas pouvoir être pris en charge efficacement et rapidement sur tout le territoire, y compris de manière non programmée. L'accès aux soins sera donc notre premier cheval de bataille.
Notre deuxième ambition consistera à donner aux professionnels de santé tous les outils pour répondre aux besoins de santé de la population, afin de répondre à ces enjeux d'aujourd'hui et de demain. Cela signifie une meilleure qualité de vie au travail, plus de responsabilité et d'autonomie au quotidien et surtout du sens dans l'engagement professionnel. Il faut retrouver cet esprit Covid dont je parlais tout à l'heure. Nous aurons à y travailler tous ensemble.
La troisième ambition sera de faire entrer la prévention dans le quotidien des Français, afin d'atteindre 1 une génération de la prévention en santé d'ici à 2025. Aujourd'hui, le diabète, le cancer, les maladies cardio-vasculaires tuent encore chaque année des centaines de milliers de nos concitoyens. Huit maladies cardio-vasculaires sur dix ont comme cause un manque de prévention ou un comportement (addictions de tabac, manque d'exercice, obésité). Donc 8 sur 10 pourraient être évités ainsi que 4 cancers sur 10. Moins de 10 % des Français de moins de 15 ans respectent les activités de l'OMS en matière d'activité physique. Aujourd'hui la France est toujours à la traîne, comparée à la moyenne de nos voisins européens en matière de dépenses de prévention. En bref, nous devons rattraper le ballon au bond pour généraliser la prévention à tous les âges de la vie.
Enfin, notre quatrième volet de notre concertation sera de rénover notre démocratie en santé afin de passer à un modèle véritablement ascendant. La clef sera bien sûr d'associer plus étroitement l'ensemble des acteurs dans la confirmation des diagnostics, dans l'évaluation et la création des solutions, mais également dans la formation des professionnels de santé.
Quelle va être notre méthode ? Cette approche sera concertée. Mais j'insiste là-dessus : la concertation ne devra pas être un frein à l'accélération de la mise en œuvre de solutions quand cette accélération s'imposera de toute urgence. L'approche sera aussi pragmatique et différenciée. Pragmatique car nous chercherons à chaque moment à simplifier tout ce qui peut l'être dans le système de santé et le parcours de soins des Français. Et différenciée parce que j'y tiens beaucoup, faire confiance au terrain et aux territoires est la solution. Les bonnes idées, nous les prendrons. Les mauvaises qui seront systématiquement évaluées comme les autres, nous les laisserons de côté.
Je terminerai par là : notre combat pour la santé des Français, nous le partageons. Maintenant il est essentiel plus que jamais d'unir nos forces. Nous saurons tirer parti de la force et de l'organisation de notre secteur privé. Je sais que chacun saura prendre sa part pour servir la santé de nos concitoyens.
Lamine Gharbi :
L’esprit Covid me va bien. Durant la crise Covid, nous avions 10 % des capacités de réanimation et nous sommes montés à 25 %. Je suis fier de mes adhérents. Sur le mois de mai 2020, j'alertais nos médecins pour qu'ils retrouvent le chemin des cabinets. Je suis fier de cet été. Cela n'a pas été facile. Certains de nos services ont dû fermer quelques jours, mais cela s'est passé aussi dans le public. Certaines de vos mesures de la mission Flash ne sont pas arrivées, mais cela va le faire. Elles vont arriver, notamment la PDSES pour nos médecins urgentistes que nous réclamons depuis des années.
J'attends avec impatience la fin d'année qui va marquer la fin de la garantie de financement car il faut qu'on sorte de ce budget global. Lorsqu'on nous l'a présentée en 2020, personne n'imaginait qu'elle durerait trois ans. Il faut en sortir car c'est à l'envers de l'essence même de l'hospitalisation privée qui est de la production de soins de qualité et cela nous perturbe. Nous voulons retrouver notre autonomie.
J'ai été interpellé dans ce congrès par le collectif Interbloc (une trentaine de personnes à manifester devant le congrés). Je les ai reçus. Concernant la problématique des infirmières qui veulent passer en Ibode, la solution proposée est une formation en alternance qui nous permettrait de garder nos infirmières dans nos blocs opératoires et cela nous va bien. Il faut juste trouver le financement. C'est pourquoi je vous en soumets l'idée.
Vous avez exprimé qu'il ne fallait plus qu'il y ait de compétition public/privé ou même privé/privé. Ce matin, Didier Jaffre a eu une parole intéressante sur les nouvelles autorisations qui vont être données dans le cadre du PRS 3 en revendiquant un seul dossier public/privé, et pas de guerre. Nous lui avons répondu que s'il y avait une demande d'IRM commune, vous en donnez deux et comme ça tout ira bien. Mais on est engagé sur cette complémentarité.
Vous avez évoqué les réformes de financement qui portent sur le SMR et la psychiatrie. Or j'en ai un peu gros sur la patate. En novembre 2021, avec vos services (pas vous, mais votre prédécesseur), c’est-à-dire le ministère, le cabinet, nous avons signé un protocole d'entrée de réforme. Nous sommes en septembre 2022 et il ne s'est encore rien passé. Nous sommes contingentés dans un budget global, donc toute innovation, toute velléité de prendre des patients en plus est impossible aujourd'hui. On ne peut pas continuer comme ça. Nous prenons les deux mois de concertation, mais nous souhaitons que cela se passe au plus haut sommet de l'État avec nos présidents de spécialités pour que l'on puisse sortir la psychiatrie de ce carcan.
Pour les SMR, nous devons y rentrer en janvier 2023. Les simulations qui sont faites aujourd'hui font état de 30 à 40 % de pertes de ressources pour certains d'entre nous qui requièrent le plus de moyens. Cela veut dire que nous ne pourrons plus effectuer ces soins. C'est pourquoi nous souhaitons ces discussions pour viser un retour à la facturation sur le prix de journée sur la psychiatrie et le SMR.
Concernant les dotations populationnelles sur les urgences, celles qui nous étaient octroyées l'étaient sur une activité N-1. Aujourd'hui, certains d'entre nous ont plus de 20 % d'activités. La dotation est la même et les ARS n'ont pas les moyens de compenser. Et ceux qui ont perdu de l'activité pour des raisons de fermetures de services ou de pertes d'attractivité ou peut-être lorsque le 15 régule, c'est une bonne chose, il y a une diminution de l'entrée aux urgences de 15 %, alors ces établissements se retrouvent avec une rente de situation de 15 à 20 % de dotation populationnelle positive. M. le Ministre, je suis toujours inquiet quand une dotation est à la main d'une agence parce que je me suis battu pendant des années pour avoir un tarif unique identique dans la profession que nous avons obtenue. Aujourd'hui cela risque de créer une disparité. Et j'entends bien la volonté qui est de dire qu'il faut corriger des différences populationnelles, qu'il faut quand il y a des problématiques sur les territoires que les agences doivent avoir les moyens de faire. Mais il faut qu'il y ait cette souplesse de pouvoir revenir en arrière, ou de freiner, ou d'accélérer. Je ne veux pas rentrer dans un budget global, dans une dotation qui soit une rente de situation car c'est la fin du dynamisme et de l'innovation qui font la force de notre secteur.
Concernant l'inflation, 6 % ça fait environ 3 % de nos tarifs. La revalorisation de nos salaires, de nos salariés est déjà faite monsieur le Ministre. Sinon on n'aurait pas pu tenir l'été. Donc tous nos salaires ont explosé et on a dû prendre sur nos réserves. Alors nos attentes en tant que syndicaliste c'est 400 millions en 2022 et le double en 2023 dans le cadre du PLFSS. Je sais que les chiffres qui circulent sont de 200 millions. Alors on va dire la moitié, soit 300 millions. Et après on pourra aller boire un verre pour que vous puissiez nous rassurer sur ces montants et qu'on soit serein pour la rentrée sociale.
Réponse de François Braun :
Concernant le financement populationnel, ce n'est pas du tout du financement à l'activité, mais un financement pour répondre aux besoins de santé d'une population. C'est ce qui fait tout son intérêt. La part des activités aux urgences par exemple persistera. Il y a aussi deux autres modes de financement comme celui des missions de recours où il peut y avoir une quote-part spécifique. Et puis le financement à l'activité et à l'efficience où l'on ne peut plus supporter la gabegie et les doublons dans les prises en charge.
Sur les questions financières pour prendre en charge ces questions de salaires, les arbitrages ne sont pas terminés. Je me bats jusqu'au bout, je ne lâche rien et je ne suis pas loin de ce que vous venez de proposer. J'espère vous apporter des bonnes nouvelles pour la fin de la semaine.
Lamine Gharbi :
Aujourd’hui sur les 8 000 internes en formation chaque année, nous en prenons 1 % dans nos établissements, souvent en raison des blocages des facultés de médecine et aussi par le financement qui est incomplet, c’est-à-dire que chaque interne nous coûte 10 000 euros par semestre. Donc quand on en prend plusieurs, c'est difficile à absorber.
Avec les autres fédérations (FHF, Fehap), nous avions conçu le protocole de pluriannualité, ce qui nous permet sur les années à venir d'avoir une lisibilité sur nos tarifs. À l’époque nous n'avions pas imaginé l'inflation qui était à 1 point ou 1,5 point. Nous espérons que le futur protocole sur lequel nous allons travailler tous ensemble soit indexé sur l'inflation.
François Braun :
Nous devons en effet engager cette réflexion sur la pluriannualité pour nous permettre de matérialiser nos engagements réciproques.
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