Entretien avec Anouk Trancart (Snitem)*

 « Il s'agit bien d'une attaque de la liste en sus »

Par
Publié le 10/05/2023
Article réservé aux abonnés
Anouk Trancart, directrice de l'accès au marché au Snitem

Anouk Trancart, directrice de l'accès au marché au Snitem
Crédit photo : Snitem

Quelle est l'origine du mécontentement des acteurs industriels ?

L'ensemble des acteurs** ne comprennent pas pourquoi en 2023 , les cathéters de thrombo-aspiration utilisés pour traiter l'AVC et les guides FFR utilisés dans la prise en charge de la maladie coronarienne ont été radiés de la liste en sus sans revalorisation des forfaits hospitaliers dans lesquels ils ont été réintégrés.

Quelles sont les conséquences pour les établissements ?

Il n'y a plus de financement fléché pour ces produits. Pourtant, il y a déjà eu d'autres radiations de la liste en sus qui eux s'étaient bien passées, comme pour les défibrillateurs cardiaques implantables. Ces derniers avaient pu bénéficier d’une revalorisation des forfaits hospitaliers dans lesquels ils avaient été réintégrés pour que les hôpitaux puissent financer ces produits. L’objectif est que les établissements puissent récupérer un financement acceptable.

Dans quel état d'esprit vous trouvez-vous ?

Le mécontentement se situe à plusieurs niveaux. D'abord le process de réintégration dans les tarifs d'hospitalisation est peu clair. Nous ne comprenons pas quels sont les critères de choix de ces catégories de produits visées. Ces deux produits sont remboursés depuis peu de temps, innovants et encore dans leur phase ascendante de développement. Or l'incompréhension réside dans le fait que l'on devrait protéger le développement de ces deux catégories. Officiellement le groupe opérationnel a présenté des analyses d'impact dans lesquelles il a expliqué que l’atteinte sur certains critères justifiait la réintégration de ces produits. Mais s'il n'y a pas de financement fléché, cet argent est perdu dans la masse globale de l'établissement qui va être perdant financièrement. Si vous ne protégez pas ces produits innovants, alors vous laissez les établissements de santé devant un choix douloureux, soit choisir l'équilibre budgétaire et donc ne pas les utiliser, soit les utiliser et impacter très fortement le budget de l’établissement.

Est-ce une attaque de la liste en sus ?

Clairement oui. Il s'agit bien d'une attaque du titre V de la LPP créée en 2017. De notre côté c'est extrêmement désincitatif à déposer des dossiers pour demander une prise en charge ad hoc si l'on craint d'être radié de la liste en sus, sans savoir comment ni pourquoi. Dans ce cas de figure, quelle visibilité est-on en mesure de donner à un développement clinique ?

D'autres produits de la liste en sus sont-ils dans le collimateur des pouvoirs publics ?

Sur la liste des produits à analyser pour 2024, il y a trois catégories, à savoir les ballons actifs périphériques, les endoprothèses carotidiennes et les implants d’embolisation liquide. Dans le cadre du groupe opérationnel pour la campagne tarifaire 2024, nous ne pouvons engager des discussions sur d'autres catégories de produits tant que les critères ne seront pas clarifiés. Le process de décision nécessite d’être remis à plat. Nous avons demandé un moratoire pour l'année 2024 sur les produits de la liste en sus à radier.

Y a-t-il un espoir que la DGOS revienne sur sa décision ?

Nous avons appris quelques semaines avant le 1er mars, date de la publication de la campagne tarifaire, que ces produits allaient être radiés sans réintégration de masse financière. Nous avons ensuite publié un communiqué de presse, resté sans réponse, demandant un retour en arrière de cette décision. Les fédérations hospitalières et des sociétés savantes comme la Société française de cardiologie sont aussi montées au créneau. En vain. Sur la campagne 2023, nous avons peu d'espoir. Cela sera aux établissements de gérer comme ils peuvent cette radiation.

Comment expliquez-vous cette contradiction des pouvoirs publics entre les intentions affichées et les coups de rabot annoncés sans concertation ?

Je ne me l'explique pas. Nous avons une vraie problématique de dialogue. Ce n'est pas faute d'avoir demandé à plusieurs reprises d'être auditionnés pour montrer les analyses d'impact. Nous avons même envoyé une note technique. Nous comprenons la logique du processus de radiation. Mais s'il s'agit de supprimer les innovations, cela n'a plus aucun sens. Une fédération hospitalière a même demandé au ministère de la Santé si le principe de suppression sans réintégration de masse financière allait devenir le principe de base. Et n'a pas obtenu de réponse.

* Directrice accès au marché et financement au Snitem
** Le groupe opérationnel dispositifs médicaux constitué des syndicats d'industriels, de professionnels de santé et des fédérations hospitalières.


Source : Décision Santé