« La façon dont la crise a été gérée a permis de sauver beaucoup de vies », assure Philippe

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Publié le 21/10/2020
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Pour la première fois depuis les débuts des auditions devant les députés ou les sénateurs, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe était entendu ce mercredi après-midi par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion de l’épidémie de Covid-19. Pendant plusieurs heures, le maire du Havre est revenu sur les décisions prises lors de la première vague de l’épidémie au printemps dernier quand il était au pouvoir. En introduction, l’ancien Premier ministre a jugé cet exercice de retour en arrière nécessaire même si « difficile ». « Il y a sûrement des mécanismes qui méritent d’être repensés, améliorés, a-t-il exprimé, mais si cette commission d’enquête se cantonne à pointer les seuls dysfonctionnements, elle passerait à côté de sa mission », a-t-il ajouté.

Prié de se plier à l’exercice de désigner les principaux échecs et les principales réussites de la gestion de cette première vague, Édouard Philippe a jugé la question « redoutable ». « L’épidémie n’est pas terminée, il est délicat de dire aujourd’hui quels auront été les échecs et les réussites dans la durée ». Mais au moment de distribuer les mauvais points, l’ancien chef du gouvernement a pointé la difficulté rencontrée à organiser un débat public ordonné autour des questions médicales et scientifiques. « N’étant pas médecin, cela m’a frappé et heurté, il y a eu un échec collectif à ce niveau. »

Le danger de l'irrationalité

La cacophonie dans le débat public a aussi porté préjudice à la diffusion et la compréhension du message auprès des citoyens, a-t-il argumenté. « Dans une situation comme celle-ci, tout le monde est acteur mais il faut que chacun comprenne face à quoi il se trouve. La façon dont le débat public a prospéré n’a pas permis à nos concitoyens de le faire. Comment faire pour qu’une forme d’expertise soit entendue, reconnue légitime et sur laquelle nous pouvons nous fonder ? », s’est-il interrogé, expliquant que le « dispositif actuel » ne l’avait pas permis et que cela faisait partie des points à améliorer. Sur la valeur de l’expertise, Édouard Philippe a également souligné que la France comme d’autres pays vivait sa remise en cause de façon de plus en plus radicale. « L’évolution du rapport à la science et à la rationalité rend de plus en plus compliqué la prise de décision », a-t-il estimé.


Autre difficulté mise en avant par Édouard Philippe, « un paradoxe bien Français » dont nous ne sommes pas près de sortir selon lui : la difficulté de l’harmonisation entre les échelons locaux et nationaux. « Il y a une nécessité d’adopter un dispositif à une réalité locale et en même temps une demande des citoyens d’égalité de lisibilité sur les mesures prises. Entre la décentralisation extrême et des règles nationales claires, il y a une oscillation à laquelle notre pays n’est pas près de trancher », a-t-il souligné.

Le difficile art de l'arbitrage

De manière générale, pour l’ensemble des décisions qui ont dû être prises lors de cette crise hors du commun, Édouard Philippe reconnaît qu’il a fallu souvent évoluer sur un chemin de crête, des débats et arbitrer selon « des angles variés ». « Je me suis parfois dit j’espère que je vais pouvoir prendre une bonne décision aujourd’hui car il y avait des moments où je n’en avais que des mauvaises à ma disposition ». Sur la décision de confiner les Ehpad, il explique par exemple qu’elle a été prise « la mort dans l’âme ». Quant à celle de maintenir le premier tour des élections municipales, deux jours avant le confinement, l’ancien Premier ministre a refait la chronologie des évènements, expliquant que la situation avait évolué rapidement et qu’il s’était retrouvé le samedi soir à devoir prendre une décision pour le lendemain. « Il n’y avait pas de consensus politique et scientifique. Nous avons pris la décision en hésitant mais je pense que c’était la bonne », estime le maire du Havre, mettant également en avant une portée symbolique pour expliquer ce choix: « Tout ne se vaut pas (…) le fait d’aller voter dans une démocratie n’est pas identique au fait d’aller boire un café ».

Les changements de « doctrine » ont aussi amené le Premier ministre de l’époque à défendre des positions qui aujourd’hui doivent être considérées comme des erreurs. « J’ai dit à 13h que le port du masque en population générale n’avait aucun sens ».


Mais malgré les difficultés et les approximations, Édouard Philippe considère que la stratégie adoptée par la France a été la bonne. « La façon dont le pays a géré la crise a permis de sauver beaucoup de vies, pas toutes, mais beaucoup ».


Source : lequotidiendumedecin.fr