Thomas Dietrich (photo) est plus connu du grand public comme romancier que comme fonctionnaire de la Direction générale de la santé. Après le brûlot qu'il vient de sortir, son avenir au sein de cette importante direction du ministère de la Santé semble de toute façon bien compromis... Ex-secrétaire général de la Conférence nationale de santé (CNS), instance consultative ouverte aux patients et aux professionnels de santé, il a démissionné avec fracas vendredi de cette structure, dénonçant tout à trac une parodie de démocratie sanitaire orchestrée par Marisol Touraine et par son Directeur Général de la Santé, le Pr Benoît Vallet.
Dans une note de 23 pages accompagnant sa démission, révélée par Le Parisien et adressée à l'IGAS, il affirme qu'actuellement "la démocratie en santé n'est qu'une vaste mascarade montée par les hommes et les femmes politiques pour faire croire à une certaine horizontalité de la décision publique en santé alors qu'elle n'a jamais été aussi verticale". Le ton est incisif et acerbe : "A part quelques initiés au fait du scandaleux jeu de dupes qui se trame en coulisses, la grande majorité des membres de la CNS ignore que les dés sont pipés," juge-t-il.
En poste depuis mars 2015, il décrit les vives "pressions" exercées sur l'instance à propos de grandes questions, comme la fin de vie et la vaccination. Concernant la première, il explique : "L’avis sur la proposition de loi « fin de vie » fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. La Ministre rentra dans une colère noire à l’encontre de la CNS, qualifiée par des membres du cabinet d’instance « inutile » et « incontrôlable »". Et de s'étonner des tentatives d'intimidation de Marisol Touraine en levant le voile sur un secret de polichinelle : "D’aucuns savent que la Ministre a défendu à contrecoeur la proposition de loi Leonetti-Claeys sur la fin de vie, étant elle-même personnellement favorable à l’euthanasie et au suicide assisté. Ce n’était pas une raison pour imposer aux autres, et surtout aux membres de la CNS, de faire profil bas."
Mais c'est surtout concernant la vaccination que l'initiative de la CNS d'organiser elle-même le débat public fit apparemment réagir en haut lieu. Thomas Dietrich accuse la ministre d'avoir voulu ficeler le débat, via le rapport parlementaire Hurel ("une somme assez sidérante de lieux communs", selon lui) et la désignation de la nouvelle Agence Nationale de Santé Publique et du Pr Alain Fischer pour mener ensuite la concertation.
L'auteur de ce brûlot revient sur les multiples pressions dont il fit l'objet en tant que Secrétaire Général de la CNS, avec pour finalité de museler cette dernière. Et de rapporter qu'à partir de l'automne dernier, "il fut exigé que je fasse relire les avis ou contributions de la CNS par le cabinet de la Ministre, préalablement à leur publication."
[[asset:image:9086 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Thomas Dietrich (photo) épingle au passage les moyens de plus en plus ridicules dévolus à la Conférence nationale de santé. Avec un humour cinglant : "C’est étrange pour un pays laïc que de compter dans les rangs de son administration une forme moderne d’ordre mendiant. La CNS, pourtant, du fait de la faiblesse de ses ressources (humaines autant que financières), pourrait en être un."
Ses accusations visent aussi le train de vie et les traits de caractère du patron de la DGS et de son adjoint, narrant dans le détail des situations tragi-comiques en réunion et épinglant "les colères irrationnelles de l’un et l’autoritarisme blessant de l’autre."
Au total, il se montre très pessimiste sur l'avenir de la démocratie sanitaire à l'époque Touraine. Fustigeant "la malhonnêteté de l’administration actuelle vis-à-vis de la démocratie en santé," il critique la récente création de l'Institut pour la démocratie en santé, instance "marionnette", illustration selon lui de "la volonté de la ministre de cadenasser l’ensemble des moyens d’expression de la démocratie en santé".
Instance consultative créée en 1996 mais réellement active depuis 2007, la Conférence nationale de santé, est chargée de formuler des avis pour améliorer le système de santé, évaluer l’application et le respect des droits des usagers, et contribuer à l’organisation de débats publics. Ce n'est pas la première fois que des remous agitent cet organisme. En 2012, Thierry Dael avait ainsi motivé sa démission de la présidence de la Commission "droits des usagers" par le manque de moyens de la CNS et le désintérêt des pouvoirs publics: "les services du Ministère n’accordent aucun intérêt à nos travaux," protestait-il alors.
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