À dix jours de l'examen du projet de loi Santé en séance publique au Sénat, la commission des affaires sociales de la chambre haute a adopté un amendement visant à limiter à trois ans la durée totale des remplacements de médecins.
Selon le Dr Yannick Schmitt, président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), « le remplacement rend plus de services qu'il ne crée de problèmes », explique-t-il au Généraliste.
Quelles seraient les conséquences d’une limitation à trois ans de la durée des remplacements ?
Dr Yannick Schmitt : Aujourd’hui, dès qu’il y a une absence, pour des congés, des formations ou autres, les remplacements assurent une grande partie de la continuité de l’accès aux soins. Or, on voit bien que le nombre de remplaçants n’est pas suffisant car beaucoup de médecins n’en trouvent pas aujourd'hui. Une limitation de la durée autorisée de remplacement ne ferait qu’accentuer cette situation. Et le médecin installé devrait donc fermer le cabinet sans proposer de solution à ses patients, alors que le code de déontologie les y oblige. Ou alors on estime que les médecins ne devraient plus prendre de congés, ce qui ne va pas non plus fonctionner très longtemps, étant donné l’épuisement professionnel dont sont victimes de nombreux confrères.
Y a-t-il un risque réel que cet amendement soit retenu ?
Dr Y. S. Le gouvernement s’est exprimé en défaveur de cet amendement, nous espérerons donc qu'il sera retiré à l’issue de l’examen de la loi Santé par le Sénat. Maintenant, je ne peux pas présumer de la décision des sénateurs.
La limitation de la durée de remplacement a déjà été soulevée par le passé. S'agit-il selon vous aujourd'hui d'une préoccupation du ministère ?
Dr Y. S. Pas du tout. Tout simplement parce que les remplaçants sont finalement assez peu à exercer leur activité (8 023 en médecine générale en 2017 selon le Cnom, NDLR). Surtout, ils le font sur une période bien donnée de leur carrière — plutôt au début ou à la fin. Le remplacement rend beaucoup plus de services qu'il ne crée de problèmes, si tant est que ça pourrait en créer. Quand on pose la question aux confrères, ils déclarent en général effectuer entre un et trois ans de remplacement, parfois un peu plus.
Cette limitation ne changerait probablement rien au nombre d’installations. Sauf qu’il y a un risque majeur : celui de remettre en cause la liberté d’exercer son métier comme on le souhaite et de détourner par conséquent encore un peu plus les jeunes de l’exercice libéral.
Pourquoi certains souhaitent empêcher les médecins de remplacer plus de trois ans ?
Dr Y. S. Je veux croire que c’est plus par ignorance que volonté réelle. Il y a effectivement un faisceau de problèmes qui s’accumulent autour du remplacement. Il y a cet amendement mais aussi l’affiliation obligatoire des remplaçants à la Carmf qui va entrer en vigueur en janvier et contraindre les internes remplaçants à cotiser à deux caisses de prévoyance différentes. Et enfin, il y a les difficultés à obtenir les licences de remplacement pour certains internes, même si la situation est visiblement en train de s'améliorer.
Ça fait un peu beaucoup pour un mode d’exercice qui est un passage quasi-obligé pour tous les jeunes et pour un statut qui est assez peu enviable. Un remplaçant non thésé n’a aucune couverture en cas d’arrêt de travail s’il n’a pas souscrit à une prévoyance privée. Au niveau de l'activité, il va exercer entre 26 et 28 semaines en moyenne par an. Cela signifie qu’il travaille à mi-temps, avec des semaines très pleines et d’autres complètement creuses. En termes de fonctionnement et de vie de famille, ce n’est pas facile à gérer. Et il va aussi avoir des revenus assez limités, autour de 40 000 à 50 000 euros bruts. Ce n’est pas énorme, après dix ans d'études.
Pourquoi le remplacement est-il une étape indispensable pour les jeunes médecins ?
Dr Y. S. On a beau avoir développé les stages — ce qui est une très bonne chose — en médecine générale, ce n'est que lorsqu'on commence à remplacer qu'on est vraiment confronté à l’exercice libéral, qu'on prend la place du médecin dans toute sa dimension.
Cette étape-là est très importante pour se forger et mûrir un véritable projet professionnel, c’est-à-dire savoir où s’installer, comment travailler, avec quelles charges et investissement pour le cabinet… On se rend compte de tout cela au moment du remplacement. Si on veut que les jeunes s’installent demain, il faut favoriser cette première étape en sécurisant le début d’exercice pour éviter que des jeunes dont le premier remplacement ne se passe pas bien se disent « ce n’est pas fait pour moi » et partent ailleurs.
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