Depuis plus d’une décennie, l’exercice en maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) s’est démocratisé. La France compte environ un millier de structures, montées pour la plupart en Société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA). Emmanuel Macron, lors de sa campagne, a promis de doubler leur nombre d’ici la fin du quinquennat. Depuis son élection, le gouvernement a confirmé dans sa Stratégie nationale de santé et son Plan pour l’accès aux soins son intention d'encourager l’exercice pluriprofessionnel. Le budget de la Sécu 2018 prévoit d'ailleurs un investissement de 400 millions d’euros pour les MSP sur le quinquennat. « Il y a cinq ans, on n’imaginait pas que les maisons de santé atteindraient leur niveau actuel », témoigne le Dr Pascal Gendry, généraliste et président de la Fédération française des maisons et des pôles de santé (FFMPS), qui ouvrent aujourd’hui à Nantes ses journées nationales.
Un financement plus avantageux et des contraintes
Premier chantier, celui du financement. En plus de l’investissement annoncé par le gouvernement, même si ce n’est pas dans leurs compétences premières, les collectivités locales devraient aussi jouer un rôle clé pour les maisons de santé à l’avenir. C’est déjà de plus en plus le cas dans les zones sous-dotées, où les attentes de la population sont fortes. « Les collectivités territoriales devront, comme les professionnels de santé, mouiller le maillot pour renforcer l’accès aux soins », estime le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF.
Quand une MSP se monte, elle est très accompagnée. Ensuite les professionnels se trouvent en difficulté dès qu'il faut coller aux critères de l'accord interpro
Dr Anas Taha
Président du Snemg
L’entrée en vigueur de l’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI), signé l’an passé, est un tournant. En avril prochain, les structures qui répondent aux critères de ce nouvel accord (coordination interpro avec six réunions d'équipe par an minimum, ouverture de 8 heures à 20 heures en semaine et de 8 heures à midi le samedi, plage horaire quotidienne pour les soins non programmés, systèmes d’informations partagées) toucheront une enveloppe plus importante qu’auparavant : environ 74 000 euros pour une MSP de 4 000 patients. Comme pour toute convention, des avenants seront négociés. La qualité de prise en charge des patients pourrait constituer un nouvel indicateur, imagine le Dr Gendry : « Une équipe qui rentre dans des démarches d’auto-évaluation et qui s’interroge sur ses pratiques devra être reconnue financièrement. » Une implication plus importante des usagers pourrait aussi renforcer l’ACI. Son champ d’action reste cependant limité. « Quand une MSP se monte, elle est très accompagnée. Ensuite, les professionnels se trouvent en difficulté dès qu’il faut coller aux critères de l’ACI. Le risque est qu’elles perdent ce qui fait d'elles des laboratoires d’idées de l’organisation des soins », redoute le Dr Anas Taha, président du Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg).
Du point de vue de la rémunération des professionnels de santé, le paiement à l’acte ne semble pas être le plus adapté à l’essor des maisons de santé (voir interview ci-contre). Agnès Buzyn souhaite laisser plus de place à la rémunération au parcours. En ce sens, le Dr Gendry prêche pour des « actes coordonnés » et des « forfaits à la pathologie ». La signature d’un accord-cadre interprofessionnel (ACIP) entre les syndicats de professionnels de santé et la Cnam, dont les négociations ont repris début février, pourrait donner dans les prochains mois un cadre à ce nouveau type de rémunération.
Essor de la télémédecine
Un avenant conventionnel sur la téléconsultation et la télé-expertise est actuellement en négociation entre la Cnam et les syndicats de médecins libéraux. La maison de santé est parfois la seule structure de soins sur un territoire et sera donc un lieu central pour développer cette médecine 2.0. « Les MSP ont tendance à s’implanter dans les territoires en perte d’offre de soins et elles savent où la compétence la plus pointue se trouve », explique Cécile Fournier, de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), à propos de la télé-expertise. Investir dans un équipement de télémédecine est également plus évident en mutualisant les moyens. Un chariot de télémédecine coûte plus de 30 000 euros. « Développer ce type d’outil est plus évident dans ces structures pour assurer la maintenance, la technique… », ajoute le Dr Gendry.
Soins non programmés et permanence des soins
Prendre en charge les soins non programmés fait partie des missions premières des maisons de santé, grâce à leur large amplitude horaire. La prise en charge “d’urgences” est évidemment plus simple en équipe structurée que lorsque le médecin exerce seul. Les maisons de santé devraient donc à l’avenir renforcer leur rôle moteur dans la prise en charge des soins non programmés, d’autant plus que les médecins sont de moins en moins nombreux à s’investir dans la permanence des soins. C'est tout l'enjeu de la mission confiée au Dr Thomas Mesnier, député LREM de Charente : « organiser territorialement l’accès à ces consultations de soins non programmés ». Les maisons de santé sont un lieu familier pour les patients qui savent de fait à qui s’adresser, sans passer par la case urgences des hôpitaux. Les médecins peuvent de leur côté plus facilement se répartir les créneaux de prise en charge et assurer des gardes moins fréquentes. La MSP garantit également un retour d’information vers le médecin traitant : « Cela permet de garder le contact avec la patientèle en ayant accès ensuite au compte rendu de la consultation via le système d’information commun », précise le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.
Davantage d'actions de prévention grâce à la délégation
Les actions de santé publique sont fédératrices pour les professionnels de santé d’une MSP. « La prévention donne du sens et réenchante la pratique des professionnels. Ils ne sont plus seulement dans une démarche de réponse à des demandes individuelles, mais s’intéressent aussi aux questions de santé sur un territoire », explique Cécile Fournier. « La MSP est visible. L’hôpital va plus facilement penser à ce type de structure pour une action de prévention en ville », poursuit la chercheuse. Depuis la loi HPST de 2009, le statut d’infirmière Asalee (Action de santé libérale en équipe), dédiée à des actions de prévention auprès des patients chroniques, se déploie dans les territoires. Leur activité, facilitée en équipe, pourrait être élargie à d’autres fonctions.
La prévention donne du sens et réenchante la pratique des professionnels
Cécile Fournier
Chercheuse (Irdes)
La formation d’infirmière “de pratiques avancées”, mise en place dès la rentrée de septembre dans le cadre du Plan déserts, devrait aussi propulser la délégation de compétences. « L’objectif est d’améliorer le suivi de maladies chroniques dans des bassins de vie sous-dotés. Dans certains territoires, les infirmières le font déjà, mais hors cadre », confiait Agnès Buzyn au Généraliste le mois dernier. Selon Pascal Gendry, ce partage de tâches sera cohérent s’il s’inscrit « dans une démarche de prise en charge en équipe ». Pour lui, la MSP est la structure idéale : « Les maisons de santé vont pouvoir tester ces dispositifs dans l’intérêt du patient et dans une cohérence du parcours. On a déjà expérimenté par exemple la prise en charge du suivi de grossesse quand il y a une sage-femme et un généraliste. »
Une formation plus riche
Former des étudiants fait partie des missions centrales de la MSP. Apprendre son métier dans une équipe apporte une vraie plus-value. « Les étudiants en médecine peuvent discuter avec d’autres MSU et faire des matinées de consultation avec les paramédicaux. Les MSU peuvent aussi à leur tour accueillir des étudiants paramédicaux. C’est donnant-donnant », explique le Dr Anas Taha. L’exercice pluriprofessionnel n’est pas « inné », selon le président du Snemg, et doit donc être enseigné. Le Dr Gendry prône ainsi des formations transversales : « Le jour où les généralistes seront formés dans certains modules communs avec les infirmières, les kinés, les sages-femmes… leur façon d’exercer sera différente », explique-t-il. Les médecins titulaires se forment également de plus en plus à la pluriprofessionnalité en formation continue.
Dans les cinq prochaines années, les MSP feront également face à un renouvellement de génération. Les pionniers des maisons de santé, véritables militants de l’exercice de groupe, approchent de la retraite. « Il faut qu’on appuie le renouvellement de ces leaders », clame le Dr Gendry. La FFMPS travaille actuellement sur l’élaboration d’une formation avec l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et espère qu’elle sera en place à la rentrée. Un leadership d’autant plus important que les maisons de santé, en plus de devoir se structurer en équipe, doivent désormais s’articuler entre elles sur leur territoire, dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
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