Au regard de « dysfonctionnements graves », l'État « porte plainte et saisit le procureur de la République », sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale qui oblige toute autorité à signaler des faits délictueux dont elle aurait connaissance, a annoncé samedi 26 mars sur France Inter Brigitte Bourguignon, la ministre déléguée en charge de l’autonomie.
« Nous demandons la restitution » de dotations publiques présumées détournées de leurs fins, a-t-elle ajouté.
Deux enquêtes pour corroborer les faits
Ces décisions font suite au rapport d'enquête que les Inspections générales des Finances (IGF) et des Affaires sociales (Igas) viennent de transmettre au gouvernement, qui les avait saisies le 1er février pour faire la lumière sur les faits dénoncés par le journaliste Victor Castagner dans son livre « Les Fossoyeurs ».
Dans un entretien au Figaro publié en ligne samedi soir, le PDG d'Orpea, Philippe Charrier, « regrette » que le rapport « ne soit ni rendu public ni mis à disposition des parties prenantes » car il « permet de conclure » qu'« il n'y a pas chez Orpea de système organisé qui aboutirait à de la maltraitance ». Par ailleurs, Phillippe Charrier prend « acte de la décision de la ministre de transmettre le rapport au procureur de la République ».
Excuses d'Orpea
Selon le ministère chargé de l'Autonomie, le rapport des inspections fait état de « dysfonctionnements significatifs dans l'organisation du groupe, au détriment de la prise en charge des résidents ».
« Les dysfonctionnements relevés » sont liés « le plus souvent (à) une pénurie de professionnels du soin et de l'accompagnement touchant l'ensemble du secteur », répond le PDG d'Orpea, qui affirme toutefois avoir pris « toute la mesure de l'émotion légitime suscitée par ces dysfonctionnements ».
« Au nom d'Orpea », il « présente (s)es excuses les plus sincères aux résidents et aux familles ». « Nous allons nous améliorer », assure-t-il.
Très attendu depuis des semaines, le rapport des inspections ne sera pas rendu public, car couvert par le « secret des affaires », a indiqué à l'AFP le cabinet de Brigitte Bourguignon. Contrairement à des déclarations du ministre de la Santé Olivier Véran, le 11 mars, qui comptait alors en publier « la totalité, à l'exception de ce qui est couvert par le secret des affaires ».
Concernant les dotations publiques présumées détournées de leurs fins, dont l'État réclamera le remboursement, elles s'élèvent à « plusieurs millions » d'euros, selon Brigitte Bourguignon.
« Le rapport relève 20 millions d'euros d'excédent en quatre ans, soit 1,5 % des dotations publiques perçues sur la période », répond Philippe Charrier dans l'entretien au Figaro, affirmant que ces excédents « n'ont eu aucun effet sur les profits du groupe ».
Ces sommes « résultent de l'entrée en vigueur en 1917 de la loi d'adaptation de la société au vieillissement », qui visait à aller vers une « convergence tarifaire » entre Ehpad publics et Ehpad privés, sous-dotés par rapport aux publics, selon le patron d'Orpea.
« Secret des affaires »
Au-delà de l'aspect comptable, les inspecteurs de l'administration ont constaté des « fragilités dans l'accompagnement des résidents » : la « satisfaction de (leurs) besoins nutritionnels » laisse à désirer, certains personnels « n'étaient pas forcément à la hauteur » et des résidences accueillaient trop de pensionnaires par rapport à leur capacité autorisée.
Ces conclusions et la saisie de la justice par l'État constituent une « étape fondamentale », a réagi Victor Castanet. Cependant « les familles de pensionnaires et les salariés qui ont participé à mon enquête (...) ne comprennent pas la non-publication de ce rapport », a déclaré à l'AFP le journaliste.
« L'argument du secret des affaires m'a été opposé tout au long de mes trois années d'enquêtes » et « de nouveau, cette notion floue protège un groupe privé au détriment de l'intérêt général », a-t-il déploré.
Cette décision est « surprenante, à la limite choquante », a abondé le sénateur (LR) Bernard Bonne, co-rapporteur de la commission d'enquête du Sénat sur le scandale Orpea. « Je fais le siège du ministère depuis le début de la semaine, mais on ne nous l'a toujours pas transmis », a-t-il dit à l'AFP.
Brigitte Bourguignon doit être entendue mardi après-midi par cette commission, avant les dirigeants d'Orpea mercredi matin, et la question du refus de transmission du rapport « sera la première à lui être posée », a-t-il assuré.
Avec AFP.
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