Évacué par la porte, le TPG mutualiste reviendra-t-il bientôt par la fenêtre dans le parcours de soins ? Un récent ouvrage qui décrypte la loi de modernisation de la santé de Marisol Touraine incline presque à le penser. Véritable bible commentée des très nombreux articles de la loi Touraine, "La loi de santé", écrit par un collectif coordonné par Anne Laude et Didier Tabuteau revient -entre autres- sur la genèse de cette extension de la dispense d'avance de frais, sur la polémique qui l'a accompagnée et sur l'architecture du dispositif. On se souvient que la généralisation du tiers payant avait été partiellement retoquée par le Conseil constitutionnel au motif que, sur sa partie complémentaire, elle n'offrait pas de garanties suffisantes aux professionnels de santé.
Pour les experts du droit de la santé qui signent ce volumineux ouvrage cette décision des sages de la rue de Montpensier ne scelle pas forcément la mise hors jeu des complémentaires sur le TPG : "La censure, pour spectaculaire et commentée qu'elle l'ait été, ne semble pas avoir condamné la généralisation du tiers payant intégral. Elle impose seulement que le dispositif applicable aux organismes d'assurance maladie complémentaire soit complété et précisé dans des conditions comparables à celles retenues pour le tiers payant relevant de l'assurance maladie obligatoire," analysent-ils.
En d'autres termes, il suffirait que de nouvelles dispositions imposent aux complémentaires délais de remboursement et pénalités en cas de retard pour que le TPG se (re)mutualise. Le gouvernement n'a pour l'heure pas fait ce choix. Et d'ailleurs, peut-être a-t-il de bonnes raisons de ne pas se presser. Car l'ouvrage de Didier Tabuteau et Anne Laude observe que la redéfinition des "contrats responsables" des mutuelles, qui bénéficient d'un bonus fiscal et social, imposera de facto le tiers payant complémentaire à partir du 1er janvier 2017 : "pour bénéficier de ces aides, les contrats proposés par ces organismes devront permettre à l'assuré de bénéficier du mécanisme de tiers payant sur les prestations faisant l'objet de ces garanties, au moins à hauteur des tarifs de responsabilité," remarquent les auteurs. Or cette disposition-là n'a pas été censurée par le Conseil Constitutionnel...
Sur ce TPG, les syndicats de médecins n'ont d'ailleurs plus guère leur mot à dire, observent en substance les auteurs de "la loi santé", qui rappellent que le texte adopté par le Parlement sur ce point "est totalement différent de celui adopté par le conseil des ministres". Au départ, le gouvernement avait en effet prévu de charger les parties conventionnelles d'organiser l'extension de la dispense d'avance de frais... Mais, face à la bronca des médecins libéraux, il a, semble-t-il, vite compris qu'il fallait changer de stratégie... et s'est montré plus autoritaire.
227 dispositions de la loi Touraine passées à la loupe
[[asset:image:10726 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["Presses de l\u0027EHESP"],"field_asset_image_description":[]}]]Au-delà de cette disposition controversée, ce livre de près de 500 pages procède à la revue de détail de toutes les innovations de la loi de santé : ces nouvelles superstructures hospitalières que sont les GHT, par exemple, mais aussi les "communautés professionnelles territoriales de santé", censées relancer les coopérations professionnelles ou encore les "plateformes territoriales d'appui" (PTA) qui visent à épauler les professionnels dans l'organisation du parcours de soins des patients chroniques et dont le décret vient de paraître au JO.
L'ouvrage - qui présente les dispositions de la loi, puis les commente revient aussi sur les nouvelles avancées en matière de droit des patients ou sur la rénovation du DPC et sur les retouches opérées en matière de sécurité sanitaire ou de santé publique. Au total, le patron de la Chaire santé de Sciences Po et la Doyen de la Fac de droit de Paris-Descartes invitent à une visite guidée exhaustive, d'une réforme qui contient "des dispositions de nature très diverse et de portée très inégale", qualifiée de "luxuriante" par ses auteurs. Et pour cause... Le projet de loi déposé à l'Assemblée en octobre 2014 comportait 57 articles; 15 mois plus tard, la loi du 22 janvier 2016 en comprend finalement pas moins de 227 !
"La loi de Santé: regards sur la modernisation de notre système de santé", sous la direction de Anne Laude et Didier Tabuteau. Presses de l'EHESP. 32€
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