Dépistage du cancer colorectal

Impatience pour les tests immunologiques

Publié le 12/11/2013
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Crédit photo : S TOUBON

LE DÉPISTAGE ORGANISÉ du cancer colorectal se fonde aujourd’hui en France sur la réalisation tous les 2 ans, d’un test Hemoccult chez les sujets âgés de 50 à 74 ans. La gestion de ce dépistage, qui a fait la preuve de son efficacité en termes de réduction de la mortalité par cancer colorectal, se fait au niveau départemental, avec un taux de participation qui va du simple au double selon les départements.

« En 2008, la Haute autorité de santé a recommandé le passage au test immunologique, qui constituait d’ailleurs un des objectifs du plan cancer 2 (2009-2013) », souligne le Pr Jean Faivre avant de préciser que l’Institut National du Cancer a publié en 2011 les conditions de passage au test immunologique. En mars 2012, à l’occasion du lancement de la campagne de mobilisation contre le cancer colorectal, la secrétaire d’Etat à la santé, Nora Berra, avait annoncé le passage au test immunologique début 2013.

« Or, alors nous attendons toujours l’appel d’offre européen chargé de sélectionner le test qui répondra le mieux aux différents critères (INCa et Coût). Il s’agit d’une situation inadmissible sur le plan éthique car ne pas passer aux tests immunologiques constitue une perte de chance pour la population », réagit le Pr Faivre au nom de la Société nationale française de gastro-entérologie.

80 % de sensibilité.

Comparativement au test Hemoccult, les tests immunologiques ont une performance accrue pour détecter les cancers colorectaux et les polypes à haut risque (taille supérieure à 1 cm, structure villeuse, dysplasie grave) qui dans un quart des cas évoluent vers un cancer. Les taux de détection sont respectivement multipliés par un facteur 2. La sensibilité pour la détection des cancers passe de 40 % avec l’Hemoccult à 80% avec les tests immunologiques. Un travail mené en Italie, où les tests immunologiques sont utilisés depuis une quinzaine d’années, démontre que le recours à ces tests de dépistage peut réduire non seulement la mortalité par cancer colorectal, mais aussi son incidence, de 22 %.

Autre avantage des tests immunologiques, leur caractère plus « convivial », qui joue un rôle important dans le taux de participation, élément majeur de l’impact du dépistage en santé publique. Un seul prélèvement est nécessaire et, grâce à l’utilisation d’un tube à essai muni d’une petite aiguille, il n’est plus besoin de manipuler les selles qui sont juste « piquées » par l’aiguille.

Enfin, la lecture est automatisée (le test dose la globine de l’hémoglobine et est spécifique de l’hémoglobine humaine) ce qui réduit le risque d’erreur humaine et permet un meilleure contrôle qualité.

« Le coût du test immunologique est équivalent à celui du test au gaïac (Hemoccult), de l’ordre de 2 euros, et les gastro-entérologues ne comprennent pas pourquoi ce dossier n’avance pas », insiste le Pr Faivre, qui rappelle que pour la population à risque, la coloscopie de première intention reste la stratégie recommandée.

Qu’en est-il des autres méthodes de dépistage ?

La sigmoïdoscopie, peu pratiquée en France, a fait la preuve de ses bénéfices pour réduire l’incidence des décès et des cancers colorectaux chez les patients acceptant de faire cet examen. Mais tout le problème vient de sa faible acceptabilité : 50% de refus au Royaume-Uni, 80% en Italie et dans une étude faite en Alsace.

La coloscopie est l’examen idéal, mais elle ne se fait qu’à titre individuel et n’a donc pas d’impact en population.

Quant au dépistage génétique ou protéomique par test sanguin, il est encore du domaine de l’évaluation et se heurte d’ores et déjà au problème de son coût.

D’après un entretien avec le Pr Jean Faivre, service d’hépato-gastro-entérologie, CHU, Dijon.

DR ISABELLE HOPPENOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9279