Après un AVC non cardio-embolique, 20 % des patients en fibrillation atriale

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Publié le 07/04/2023
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La surveillance classique ne permet pas de repérer les épisodes de fibrillation atriale (FA) en post-AVC non cardio-embolique. Pourtant, l’incidence de la FA est loin d’être négligeable et justifierait un monitoring au long cours. En effet, selon l’étude STROKE-AF, un patient sur cinq présente à trois ans une FA, après un AVC ischémique attribué à une maladie des petits ou des gros vaisseaux. C’est dix fois plus de cas que ne détecte le suivi habituel !

Le repérage de la fibrillation atriale basée sur l'autoévaluation des symptômes par le patient n'est pas fiable

Le repérage de la fibrillation atriale basée sur l'autoévaluation des symptômes par le patient n'est pas fiable
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

Après un AVC ischémique attribué à une athérosclérose des gros vaisseaux ou une obstruction des petits vaisseaux, les patients ne sont pas considérés comme à haut risque de fibrillation atriale (FA), et la surveillance au long cours par moniteurs cardiaques implantables (MCI) n’est pas systématique. L’étude CRYSTAL-AF a alerté sur le nombre de FA méconnues : suite à un AVC cryptogénique, une FA occulte est repérée chez 12,4 % des sujets après un an sous MCI versus 2 % en cas de suivi standard. « Or, pratiquement 25 % des AVC ischémiques sont des récidives d’AVC. C’est un motif impérieux pour élucider non seulement la cause de l'AVC le plus récent, mais également le risque de futur AVC », avertit le Dr Lee Schwamm (Boston). 

Des sujets à haut risque vasculaire

L’objectif de STROKE-AF était de comparer le taux de FA détecté par le MCI (Reveal LINQ ICM) ou par le suivi standard. Cet essai clinique prospectif, randomisé, a recruté 496 patients dans 33 centres aux États-Unis entre avril 2016 et juillet 2019. Les patients éligibles devaient avoir au moins 60 ans, ou entre 50 et 59 ans avec au moins un facteur de risque d'AVC supplémentaire. Parmi les participants, l’âge moyen était de 67 ans et 62 % étaient des hommes. Ils avaient de multiples facteurs de risque cérébro-cardiovasculaires : hypertension artérielle (HTA : 80 %), diabète (38 %), insuffisance cardiaque chronique (ICC : 10 %), artériopathie périphérique (19 %), tabagisme (10 %). Le NIHSS (score diagnostique et de gravité des AVC) moyen était de 2 sur une échelle de 0 à 4, et le CHA2DS2-VASc (évaluant le risque thromboembolique en cas de FA) de 5. 

Près de 90 % d'épisodes asymptomatiques

Les résultats à 12 mois montrent que le MCI dépiste la FA chez 12,5 % des patients, versus 1,8% avec le suivi standard, des chiffres similaires à ceux de CRYSTAL-AF. Les données à trois ans révèlent que ce taux continue d’augmenter : 21,7 % de FA décelées avec le MCI versus 2,4 % lors du suivi standard (p < 0,001), de façon comparable à CRYSTAL-AF (30 versus 3 %). À noter que l’appareil MCI ne détecte que les épisodes d'une durée d'au moins deux minutes, donc les épisodes de FA compris entre 30 secondes et deux minutes n'ont pas été repérés.

Les facteurs prédictifs de FA, à 36 mois, étaient l’existence d’une ICC, d’une hypertrophie auriculaire gauche, d’un QRS > 120 ms et/ou d’un IMC > 30. Leur présence multipliait par quatre le pourcentage de FA détectées, qui atteignait alors 30 %, versus 8,6 % pour les patients sans facteur de risque. « Le repérage de la FA fondée sur l'autoévaluation des symptômes par le patient n'est pas fiable, puisque 88 % des épisodes de FA enregistrés via le MCI étaient asymptomatiques », insiste le neurologue. Pourtant, la FA a un retentissement clinique certain. Parmi les patients chez lesquels une FA était détectée, un quart était en FA 5,3 heures/jour et la moitié avait des épisodes d’au moins dix minutes. De plus, 37 % des épisodes de FA duraient plus d’une heure. « Or six minutes en FA suffisent pour augmenter significativement le risque d'AVC », met en garde le Dr Schwamm.

Le délai médian jusqu'au premier épisode repéré était de 99 jours à 12 mois et de 284 jours à 36 mois. Les stratégies usuelles de surveillance du rythme cardiaque, par MCI pendant 30 jours, méconnaissent la plupart des épisodes de FA. En effet, dans plus de 80 % des cas, ceux-ci sont diagnostiqués pour la première fois plus de 30 jours après l'AVC. 

Un effet sur la récidive ?

Par contre, il n’a pas été possible de mettre en évidence un effet sur la récidive des AVC à trois ans (17 % dans le bras sous monitoring versus 14 % avec le suivi standard, p = 0,71), en raison de la trop petite taille de l’étude. D’autre part, toute la population de l’étude avait de nombreux facteurs de risque (HTA, hypercholestérolémie, diabète…), les exposant à faire des AVC récurrents.

Une proportion substantielle de patients, ayant fait un AVC ischémique attribué à une occlusion des petits vaisseaux ou à une athérosclérose des grosses artères, est à risque de FA non diagnostiquée. « Actuellement, ces patients ne bénéficient pas d’un dépistage efficace de la FA et sont généralement traités par des antiplaquettaires, alors que la mise en évidence d’une FA pourrait faire discuter une anticoagulation pour la prévention secondaire de l'AVC cardio-embolique », remarque le Dr Schwamm.

Toutefois, il reste à élucider quelques points. Ainsi, on connait mal l’importance clinique de ces épisodes de FA asymptomatiques détectés par le monitoring continu, par rapport aux épisodes de FA symptomatiques. D’autre part, si la FA méconnue peut constituer une cause potentielle pour les 25 % de personnes victimes d'AVC récurrents, il reste à déterminer si elle apporte un risque supplémentaire (et lequel) chez ces patients déjà à haut risque cardio-cérébro-vasculaires. Dans ce cas, il faudrait évaluer si le recours à l'anticoagulation peut réduire ce risque, en particulier concernant les AVC majeurs et invalidants, souvent associés à la FA.

(1) Schwamm L et al, ISC 2023, Abstract LB1

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin