C’EST EN 1989, qu’une étude dénommée CAST (Multicenter Cardiac Arrhythmia Suppresion Trial) a quasiment sonné le glas du développement des antiarythmiques. Dans cet essai, les molécules évaluées contre placebo réduisaient significativement le nombre d’extrasystoles ventriculaires sur l’enregistrement de Holter, mais multipliaient par 2 à 3 le risque de mort subite chez des patients ayant une cardiopathie ischémique.
Depuis, les antiarythmiques qui ont été développés devaient à la fois démontrer leur efficacité à l’encontre des troubles du rythme, mais, qu’à tout le moins, qu’ils n’augmentent pas le risque de mort subite ou d’événements indésirables graves. Et ils ont tous échoué sauf un qui a pu être commercialisé en 2010 : la dronédarone. Toutefois, son parcours n’a pas été simple. Il a fallu plusieurs années de développement pour démontrer que cette molécule est efficace pour prévenir la récidive de fibrillation atriale et l’un des essais de son programme de développement, l’étude ANDROMEDA (Antiarrhythmic Trial with Dronedarone in Moderate to Severe CHF Evaluating Morbidity Decrease), conduite dans l’insuffisance cardiaque, a été interrompu rapidement du fait d’une augmentation significative de la mortalité. Mais, enfin, en 2009, un essai, dénommé ATHENA, a démontré pour la première fois qu’un antiarythmique, la dronédarone, permet de réduire le risque d’événements cardio-vasculaire lorsqu’il est prescrit chez des patients ayant une fibrillation atriale paroxystique. Le critère primaire de cette étude était constitué des premières hospitalisations pour un événement cardio-vasculaire et de la mortalité globale.
Mais là encore, problème : les recommandations européennes pour la prise en charge de la fibrillation atriale et la Food and Drug Administration (FDA) américaine ont reconnu valides les résultats de cette étude, l’agence française, non, donnant une AMM comme antiarythmique préventif des récidives de FA, sans indication de réduction des événements cardio-vasculaires.
Aller plus loin.
Dans l’étude ATHENA (A Placebo-Controlled Double-Blind Parallel Arm Trial to Assess the Efficacy of Dronedarone for the Prevention of Hospitalization or Death from any Cause in Patient with atrial Fibrillation/Atrial Flutter), il avait été constaté que les patients passant en fibrillation atriale permanente gardaient le bénéfice du traitement. Par ailleurs, la dronédarone a quelques propriétés spécifiques (comme une diminution de la pression artérielle, un effet antiadrénergique…). De ce fait, il devenait envisageable d’évaluer si la dronédarone pouvait apporter le même bénéfice que celui constaté dans l’étude ATHENA, mais chez des patients ayant une FA permanente et non paroxystique et ayant une cardiopathie plus évoluée, sans être en insuffisance cardiaque avancée ou instable.
Cette évaluation a été conduite dans un essai dénommé PALLAS (Permanent Atrial Fibrillation Outcome Study using Dronedarone on Top of Standard therapy) qui devait inclure 10 800 patients ayant au moins 65 ans et, principalement, soit une cardiopathie ischémique soit une insuffisance cardiaque de stade II à III stable. L’étude a commencé en juillet 2010 et a été interrompue en juillet 2011, alors que 3 236 patients avaient été inclus, et ce pour un excès d’événements cardio-vasculaire majeurs.
Aller trop loin ?
Les résultats de l’étude, quoi que portant sur un faible nombre d’événements, sont sans appels et tous significatifs : la mortalité totale et cardio-vasculaire est multipliée par 2, la mortalité subite par 3, le risque d’AVC par plus de 2, les risques d’hospitalisation et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque chacun par 2. Ce résultat défavorable a été constaté dans tous les sous-groupes évalués.
Dès l’arrêt de cette étude, le dossier de la dronédarone a été réévalué par l’Agence européenne du médicament qui a proposé qu’elle ne soit plus employée que comme traitement de maintien du rythme sinusal et ne le soit plus en première intention dans cette indication. Elle a aussi suggéré qu’elle ne soit plus utilisée chez les patients ayant une insuffisance cardiaque ou une dysfonction ventriculaire gauche.
Il persiste une interrogation cependant : est-ce que le résultat de l’étude PALLAS, qui va à l’opposé de celui de l’étude ATHENA, s’explique par le fait que les patients inclus avaient une FA permanente uniquement ou par le fait qu’ils avaient une cardiopathie plus évoluée ? Dans ce second cas, à partir de quel stade de quelle cardiopathie peut-on utiliser la dronédarone sans risque ?
(1) Connolly SJ, et coll. Dronedaron in high-risk permanent atrial fibrillation. N Engl J Med 2011 Nov 14. [Epub ahead of print]
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