Les médecins ont toujours été familiers des régimes, que ce soit dans les maladies métaboliques (diabète, dyslipidémie, goutte), dans des pathologies particulières (maladie cœliaque, allergie alimentaire, phénylcétonurie…), ou encore en cas de défaillance d’organe (insuffisance rénale, hépatique, cardiaque…) ou d’organisme (dénutrition). Ils ont une finalité bien établie, même si l’on en connaît les limites voire les effets indésirables, comme dans les régimes amaigrissants.
Le plus souvent, les régimes « sans » fonctionnent à l’inverse : on décrète qu’un aliment, un nutriment, est en trop, parce qu’il est considéré comme néfaste, voire toxique. Il existe cependant des indications légitimes sur le plan médical. Mais, pourquoi tant de régimes ?
Un phénomène ancien
En 1913, le Dr Carton parlait déjà de « trois aliments meurtriers » : viande, sucre, alcool. En remontant encore dans le temps, avant d’arriver dans nos assiettes, certains aliments furent bannis ou passèrent par la case apothicaire (pomme de terre, sucre, chocolat…).
Aujourd’hui, alors que notre alimentation n’a jamais été si sûre, le discours ambiant est à son dénigrement ; la recherche de bouc émissaire aux pathologies prévalant à notre époque, jointe au rejet de la médecine conventionnelle, explique pour une part la recherche de « solutions » nutritionnelles à des maladies complexes, multifactorielles ou d’étiologie indéterminée. Peurs et rumeurs alimentaires, alimentées par des fake-news nourries par les autodidactes, et entretenues par l’effet nocebo — « quoi, tu ne savais pas que le lait est un poison pour l’humain ! » — font le reste.
Il y a cependant toujours une petite part de vrai dans ce qui est faux. Le risque est de généraliser. Regardons de plus près.
Sans lactose, sans lait
Depuis 15 ans, le lait a mauvaise réputation, à tort. L’humain est omnivore à partir de l’âge de six mois. Il n’y a donc aucune raison de l’exclure de l’alimentation. Les griefs qu’on lui fait ne reposent ni sur ses bases physiopathologiques ni sur des données épidémiologiques. Pêle-mêle : le lait est accusé de favoriser otites, acné, rhumatismes, autisme, sclérose en plaques, parkinson, infections ORL, cancers… Aucune donnée claire et reconnue ne permet d’imputer les produits laitiers dans la responsabilité de ces affections.
Il n’y a que trois raisons pour réduire, éviter ou exclure le lait : le déficit total ou partiel en lactase avec intolérance au lactose, l’allergie aux protéines de lait (de vache) et le fait de ne pas l’aimer.
Le déficit en lactase n’est pas une maladie, sauf cas rarissime de déficit total. C’est un trait génétique qui concerne, dans sa forme partielle, la moitié de la population humaine. Cependant, il ne conduit à une intolérance au lactose qu’en cas de déficit important associé à une consommation élevée de lait. Le lactose non hydrolysé (en galactose et glucose) parvient alors non digéré dans le côlon, où il est l’objet d’une fermentation responsable de symptômes digestifs désagréables. Les yaourts sont bien tolérés, car ils contiennent une lactase naturelle, produite par les ferments lactiques. Les fromages fermentés ne contiennent que des traces de lactose.
Pour ce qui est de l’allergie aux protéines du lait de vache, elle est croisée avec les protéines des autres ruminants, et concerne de 3 à 5 % des enfants de bas âge.
Du reste, la suppression du lait augmente très fortement le risque d’ostéoporose et de fractures. Et la consommation de produits laitiers, notamment fermentés, est associée à une forte diminution du risque de syndrome métabolique, de diabète de type 2 et de cancer du côlon.
Sans viande
La suppression des produits carnés (viandes et dérivés, poisson) correspond au régime ovo-lacto-végétarien, dit végétarien, les œufs et les produits laitiers étant maintenus. Les motivations peuvent être multiples, respectables, mais pas toujours justes.
Sur le plan nutritionnel, on reproche à la viande sa richesse en graisses et notamment en acides gras saturés. En réalité, la teneur en lipides intramusculaires est faible (3 à 5 %) et le pourcentage des graisses saturées se situe entre 35 et 60 % selon le type de viande. On pourrait aussi voir sa teneur élevée en fer, zinc, vitamine B. Et il ne faut pas confondre teneur et contribution, celle-ci dépendant de la quantité consommée.
Sur le plan de la santé, on lui reproche, ce qui est vrai, d’être associée à une augmentation du risque de cancer du côlon (+ 17 %), d’athérosclérose (+ 12 %) et de diabète de type 2. Mais cela ne concerne que la consommation excessive (> 100 g/jour) et essentiellement la viande rouge.
Si l’on peut se passer de viande, cela n’est pas indispensable pour une bonne santé. Ce qui est important est d’augmenter la part des produits végétaux dans notre alimentation, de réduire la part de produits carnés quand elle est trop importante et de veiller à éviter les cuissons grillées, poêlées et barbecue.
Sans produits animaux
Le régime végétalien exclut tout produit animal, viande, lait et œufs. Le véganisme est un mouvement militant, souvent agressif, qui refuse plus généralement toute utilisation de l’animal (cuir, miel…).
C’est un régime intrinsèquement déséquilibré, avec une carence en vitamine B12 dont les effets se font sentir au bout de quelques années, et un risque élevé de déficit en fer, zinc, calcium, iode, acides gras oméga 3.
Les régimes végétaliens augmentent très fortement (+ 40 à 50 %) le risque d’ostéoporose et de fractures et peuvent conduire à des troubles neuropsychiques. Chez l’enfant, ils ralentissent la croissance.
Bien sûr, manger végétarien ou végétalien de temps en temps ne pose pas de problème.
Sans gluten
La question du gluten est différente. En effet, dans la maladie cœliaque sa suppression quasi-totale (< 50 mg/j) est indispensable.
L’hypersensibilité non cœliaque au gluten est plus souvent liée à d’autres fractions du blé, les fructanes, qui appartiennent aux Fodmaps (des glucides fermentescibles), et conduisent à des symptômes très proches du syndrome du côlon irritable. Dans ce cas, le gluten est souvent (dans 80-90 % des cas) incriminé à tort, mais, en éliminant le blé, on réduit le gluten et donc les fructanes.
Il n’est pas exclu que dans certaines pathologies, où il existe une dysbiose et une hyperperméabilité intestinale, le gluten ou la caséine puissent passer la barrière intestinale et contribuer à certains symptômes de pathologies, telles que la fibromyalgie ou l’autisme. Mais ils ne sont pas responsables de ces maladies.
Comme une résurgence permanente, de nombreux autres régimes voient le jour, de plus en plus orientés vers la restriction : le régime cétogène, les régimes intermittents, le jeûne… Les indications réelles du régime cétogène sont aujourd’hui très limitées (épilepsie résistante aux médicaments) ; le rapport bénéfice/risque des autres n’est pas favorable.
Service nutrition et activité physique, Centre prévention santé longévité, Institut Pasteur de Lille
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