Préserver l’os à la ménopause

Par
Publié le 16/02/2023
Article réservé aux abonnés
La carence estrogénique de la ménopause est un déterminant majeur de l’ostéoporose post-ménopausique et du risque de fracture. La prise en charge devrait reposer sur une prévention primaire de la perte osseuse chez les femmes à risque.
Il est recommandé d’intervenir si le T-score est inférieur à -2

Il est recommandé d’intervenir si le T-score est inférieur à -2
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L’ostéoporose, définie par une diminution de la solidité osseuse exposant à un risque accru de fractures, est l’une de conséquences bien connues de la ménopause, qui survient de façon un peu décalée dans le temps, de 10 à 15 ans après. La perte osseuse débute deux à trois ans avant les dernières règles et s’accélère ensuite dans les cinq ans après les dernières règles. « À l’âge de 50 ans, le risque cumulé d’ostéoporose est de 40 %, celui d’infarctus du myocarde de 45 % », rappelle la Pr Florence Trémollières (CHU de Toulouse).

Perte quantitative et qualitative

La carence estrogénique affecte le remodelage osseux, qui découle d’une activité couplée et séquentielle ostéoclastique et ostéoblastique, et modifie la microarchitecture osseuse. La perte osseuse est donc à la fois quantitative et qualitative, notamment au niveau de l’os trabéculaire.

« Le traitement hormonal de la ménopause (THM) par estrogènes freine la perte osseuse induite par la carence estrogénique, préserve les qualités architecturales du tissu osseux et diminue le risque de fracture », précise la Pr Trémollières. L’efficacité du THM a été confirmée par l’étude WHI, puis par plusieurs métaanalyses et ce, quels que soient le site osseux, l’âge, et le risque de fracture (réduction du risque de 20 à 40 %).

Identifier les femmes à risque

« Le bénéfice du traitement est plus important s’il est débuté avant l’âge de 60 ans, ce qui sous-tend la notion de prévention primaire, et donc l’identification, en début de ménopause des femmes à risque de fracture », explique la Pr Trémollières. Cela n’est pas si facile en pratique car, en début de ménopause, le risque de fracture à dix ans est modéré dans la majorité des cas (0,8 à 1 % par an). La distribution des fractures en début de ménopause diffère aussi de celle des femmes plus âgées : ce sont en effet les fractures du poignet qui dominent, alors que les localisations typiques de l’ostéoporose, comme le fémur ou les vertèbres, sont peu fréquentes. La plupart des fractures surviennent chez des femmes ostéopéniques, ce qui est le cas de la moitié des femmes de cette tranche d’âge.

Les facteurs de risque cliniques sont peu pertinents, notamment les antécédents familiaux — souvent absents car la mère n’est pas encore assez âgée pour avoir eu une fracture fémorale ou vertébrale. En pratique, c’est la mesure de densité minérale osseuse (DMO) qui est le facteur prédictif majeur du risque fracture.

En 2021, les dernières recommandations pour la pratique clinique du Groupe d’étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (Gemvi) et du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) préconisent une mesure de la DMO par absorptiométrie biphotonique (DXA) chez les femmes ménopausées ayant un ou plusieurs facteurs de risque de fracture et, au cas par cas, lorsque celle-ci est susceptible de conditionner la prise en charge à la ménopause.

Il est recommandé de proposer un THM en début de ménopause chez les femmes à risque fracturaire en première intention, pour prévenir l’ostéoporose. Le seuil d’intervention proposé par les experts est un T-score vertébral ou fémoral inférieur à –2. La décision doit bien sûr tenir également compte des autres facteurs de risque cliniques de fracture et de la balance bénéfice/risque individualisée du THM. Le texte précise qu’il n’est pas possible dans cette situation de recommander une dose d’estrogènes type, en raison d’une variabilité interindividuelle importante de la réponse osseuse aux estrogènes.

La prise en charge du risque osseux s’intègre dans une prise en charge plus globale de la femme… Les effets bénéfiques du THM s’exercent au-delà de l’os sur les signes climatériques, le syndrome génito-urinaire de la ménopause et en prévention primaire cardiovasculaire.

Réévaluation à deux ans

La prévention de l’ostéoporose et du risque fracturaire évolue dans le temps. Elle se fonde sur le THM, en début de ménopause chez les femmes ayant un risque de fracture, puis sur le raloxifène et enfin sur les biphosphonates et le dénosumab. La RPC 2021 recommande (avis d’experts), chez les femmes prenant un THM pour prévention de l’ostéoporose, de répéter la mesure de la DMO lombaire et fémorale après deux ans de THM. L’absence de perte osseuse à deux ans est l’objectif thérapeutique d’un THM prescrit pour la prévention de l’ostéoporose en début de ménopause.

Exergue : Les œstrogènes réduisent le risque de fracture de 20 à 40 %

Communication de la Pr Florence Trémollières (Toulouse)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin