Une image de plus grande qualité, plus contrastée, avec moins de bruit, peu de radiation pour des temps d’acquisition réduits : c’est la promesse tenue des scanners à comptage photonique. Contrairement au scanner classique, qui traduit par un signal 0 ou 1 les paquets de photons arrivant sur des diodes plus ou moins petites, cette technologie évalue individuellement l’énergie de chaque photon traversant le patient, fournissant ainsi des informations spectrales sur le tissu rencontré. Charge ensuite à l’intelligence artificielle de les traduire en images toujours plus lisibles.
Actuellement et depuis 2021, seul Siemens healthineers commercialise ce système (lire encadré), mais les autres constructeurs, tels que GE Helthcare et Phillips, ont annoncé être sur les rangs et l’intérêt scientifique est exponentiel, avec plus de 160 publications à ce sujet cette année.
Une nouvelle gamme plus accessible
Siemens healthineers annonce stopper la commercialisation de scanners conventionnels dans son segment de scanners haute performance, pour se concentrer uniquement sur des scanners à comptage photonique. Trois ans après la commercialisation du premier scanner équipé de cette technologie, le Naeotom Alpha, plus d’un million de patients ont bénéficié de cet examen dans le monde (disponible en France à Lille, Bordeaux, en région parisienne à l’IGR, l’HEGP et Necker [AP-HP], ainsi qu’à Monaco), un chiffre que le constructeur voudrait voir grimper à un milliard d’ici à dix ans.
Pour cela, deux nouveaux venus plus accessibles ont été présentés au congrès, constituant une gamme complète de trois scanners photoniques : Naeotom Alpha Peak est le modèle originel, le plus pointu, à double source d’émission de 6 cm, qui culmine à une vitesse de scan de 737 mm/s ; avec deux sources de 4 cm, le Naeotom Alpha Pro affiche une vitesse de 491 mm/s, permettant toujours des examens cardiaques sans bêtabloquants, des examens pédiatriques sans sédation, etc. ; enfin le Naeotom Alpha Prime sera le plus abordable, avec une seule source d’émission de 6 cm, et 345 mm/s, le rendant particulièrement indiqué aux urgences.
Tous ont une résolution de 0,2 mm et sont accompagné du logiciel d’IA myExam Companion, qui accélère les procédures et standardise la prise en charge, en particulier auprès des utilisateurs les moins expérimentés. Ils devraient être commercialisés d’ici au printemps 2025 en Europe.
Significativité clinique
Plusieurs présentations du congrès sont revenues sur les apports de cette technologie au niveau clinique, voire médicoéconomique bien que ces appareils soient coûteux.
En cancérologie, la caractérisation précoce et précise des lésions (S1-SSPH01-3, Liu L et al) la rend pertinente pour la stadification, et sa faible irradiation pour le suivi répété. Les nodules pulmonaires sont ainsi visualisés à très faible dose, de 0,5 à 1,3 mGy (S1-SSPH01-5, M. Ursan et al.).


En neurologie, cette technologie rend possible la visualisation de l’occlusion de petits vaisseaux, jusqu’ici inaccessibles. « Ils sont responsables de 25 à 40 % des AVC ischémiques », explique le Dr Adrian Szum de l’Institut Karolinska (Suède), qui a désormais adopté le scanner photonique pour tous les patients vus aux urgences AVC.
Une diminution de moitié des revascularisations
En cardiologie, le scanner photonique est aussi particulièrement prometteur. Pour rappel, face à une douleur thoracique aiguë, si les patients à haut risque cardiaque sont dirigés d’emblée vers l’angiographie, chez ceux à risque intermédiaire, le scanner coronaire est désormais recommandé en première intention (ESC, AHA, ACC 2024). Il permet de poser le diagnostic, restratifier le patient et évaluer le degré de sténose. Cependant, les faux positifs sont relativement fréquents avec des scanners classiques. En cause, leur résolution propre, mais aussi les éléments générant bruit et artéfacts : un IMC élevé, des calcifications, des stents métalliques et une tachycardie au moment de l’examen – qui parfois peuvent contre-indiquer le scanner standard.
La vitesse, la résolution et l’information spectrale (qui, couplée à l’intelligence artificielle, restreint drastiquement le signal métallique) fournies par le comptage photonique étaient prometteuses en ce contexte. Les premiers centres ayant adopté la technologie dès 2021, tels que l’hôpital universitaire Semmelweis de Budapest (Hongrie), présentent des résultats impressionnants : l’adoption de la technologie fait diminuer de moitié les indications à la recathétérisation. « Nous avons analysé les caractéristiques des patients (âge, sexe, HTA, diabète, tabagisme, dyslipidémies, antécédents, score calcique), et il s’avère que le plus fort prédicteur indépendant d’aller en revascularisation est… le type de scanner utilisé. Le patient ayant eu un examen par comptage photonique a beaucoup moins de probabilité de subir cette procédure invasive », souligne le Pr Pál Maurovich-Horvat (Budapest, Hongrie), cardiologue et radiologue. Ces résultats sont significatifs que les patients aient un score calcique inférieur ou non à 400. Des données similaires ont été communiquées par d’autres équipes, avec par exemple 54 % de reclassification des sténoses coronaires in vitro et in vivo par le scanner photonique.
Une analyse médicoéconomique chiffre à près de 12 millions d’euros les économies ainsi réalisées, sur dix ans d’utilisation d’un scanner photonique versus conventionnel.
La même équipe a présenté son expérience avec le scanner photonique Naeotom Alpha Prime aux urgences depuis le mois d’août 2024, une machine qui s’est avérée fiable et robuste, scannant jusqu’à 152 patients par jour. La suppression des artéfacts métalliques s’est avérée particulièrement pertinente pour les polytraumatisés de la route, avec une évaluation fine des vaisseaux encore fonctionnels adjacents. Les informations spectrales permettent aussi de résoudre des diagnostics difficiles (œdèmes médullaires/fractures, saignements abdominaux) et de fournir une imagerie cardiaque y compris chez des patients dont le rythme n’est pas stabilisé, ou dans en cas d’obésité.
Transplantation hépatique
À Chicago, avec environ 50 patients par jour, le scanner photonique est aussi le plus sollicité aux urgences du Northwestern Memorial Hospital. Le Dr Amir Borhani, professeur associé de radiologie, et le Dr Daniel Borja-Cacho, professeur associé de chirurgie de transplantation, l’ont intégré dans leurs protocoles de chirurgie hépatique, pour évaluer la vascularisation des donneurs vivants, des receveurs, et les complications après les chirurgies hépatobiliaires complexes. Là encore, les cas présentés montrent que la technologie est susceptible de requalifier des sténoses potentielles, et améliore l'évaluation la résécabilité des cancers biliaires en caractérisant l’invasion vasculaire, ainsi que la planification chirurgicale des transplantations hépatiques.

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