Passée la phase aiguë, le chikungunya peut laisser des phénomènes douloureux, à la fois d’origine neurologique (syndrome du canal carpien, neuropathies des petites fibres avec dysfonctionnement sphinctérien, paresthésies), rhumatismale (atteintes articulaires, tendinopathies, bursites, arthrites), ainsi qu’une éruption cutanée. Ces douleurs qui évoluent par crises et peuvent persister plusieurs mois sont génératrices d’une impotence fonctionnelle, d’un syndrome dépressif avec parfois des sensations de mort imminente. « On a constaté que ces douleurs se greffent généralement sur des états morbides antérieurs, anciens traumatismes, antécédents d’intervention, de pathologie, etc. », explique le Dr Patrick René-Corail (CHU de Martinique). « Il est vraisemblable que le virus touche préférentiellement les zones où le remaniement tissulaire est le plus important ».
Une démarche originale transdisciplinaire
Pour faire face à cette symptomatologie invalidante, une équipe pluridisciplinaire structurée par le Pr André Cabié, chef du service d’infectiologie du CHU de Martinique, a été mise en place, rassemblant médecins de médecine physique et réadaptation (MPR), infectiologues, neurologues, rhumatologues, psychiatres, algologues, l’objectif de cette plate-forme médicale étant de faire le bilan clinique et biologique de la maladie, et mettre en place le suivi thérapeutique. « Nous allons présenter lors du congrès de la SOFMER une cohorte de 450 patients, en majorité des femmes, qui ont eu à la fois un traitement par anti-inflammatoires et/ou antalgiques et un traitement physique des atteintes articulaires par le kinésithérapeute ; cette prise en charge a fait l’objet d’un protocole spécifique et d’une évaluation », souligne le Dr René-Corail. « Nous avons même été conduits pour les patients intolérants aux médicaments à recourir à la pharmacopée traditionnelle, comme l’arada, la brisée ou la « plante doliprane », qui ont des vertus anti-inflammatoires, immunostimulantes ou antalgiques ». Les patients atteints de polyarthrite étaient pris en charge par les rhumatologues et traités par méthotrexate dans les cas chroniques et rebelles. Très vite, il n’a plus été nécessaire de revoir les malades, qui étaient considérés comme guéris ».
Du terrain aux recommandations
En un an, cette plate-forme multidisciplinaire a pu mieux définir le diagnostic, que l’expérience réunionnaise n’avait pas totalement abordé, a identifié les aspects neurologiques et articulaires de la maladie et établi un protocole thérapeutique. « Tout le chapitre rééducation a été écrit après une étude observationnelle par notre équipe et ces protocoles figurent dans les recommandations publiées (1) pour servir de référence sur le plan international et en particulier pour des pays d’Amérique Latine comme le Brésil où l’épidémie débute. Nous avons aussi élaboré une prescription de plantes médicinales de la pharmacopée française avec des experts du réseau TRAMIL (2) en tradimédecine ».
« Cela a été une épopée passionnante pour tous les praticiens de la plate-forme, car nous avons dû tout inventer, du diagnostic au traitement. Et pour la MPR, qui s’adresse habituellement à des maladies chroniques sur lesquelles on a peu de prise, il était stimulant de restaurer l’intégrité de leurs fonctions à des patients lourdement handicapés », conclut le Dr René-Corail.
(1) Recommandations nationales sur la prise en charge du chikungunya (formes aiguës, formes persistantes), rédigé sous la direction du Pr Fabrice Simon. Version définitive du 21/11/2 014 Médecine et maladies infectieuses 2 015 ; 45 (7) : 243-63
(2) TRAMIL : Programme de recherche appliquée à l’usage populaire des plantes médicinales dans la Caraïbe (www.tramil.net)
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