LANCÉ EN FÉVRIER 2010, ce travail international d’une ampleur sans précédent est le fruit de la collaboration des quatre plus grands consortiums de recherche internationaux sur la génétique de la maladie d’Alzheimer. Ce programme a fédéré les chercheurs de 145 institutions européennes et nord-américaines. Il a été coordonné par l’équipe INSERM « Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement, dirigée par P. Amouyel (unité mixte de recherche INSERM-Institut Pasteur de Lille-Université Lille Nord de France, Lille). Ce travail permet d’avoir une vue d’ensemble des mécanismes moléculaires à l’origine de cette maladie complexe.
Un mauvais sommeil associé à la maladie d’Alzheimer.
A. Spira et coll. (Johns Hopkins Bloomberg School, Baltimore, Maryland) ont réalisé une étude transversale chez 70 adultes de la « Baltimore Longitudinal Study of Aging » (2). Ils ont constaté une association entre un sommeil de plus courte durée et une charge en protéine bêta-amyloïde plus importante. Une association a également été trouvée avec un sommeil décrit par les sujets comme de mauvaise qualité. Ces résultats sont susceptibles d’avoir des implications en termes de santé publique, dans la mesure où la maladie d’Alzheimer est la cause de démence la plus fréquente et où approximativement la moitié des sujets les plus âgés ont des troubles du sommeil.Des études plus précises, avec des mesures objectives du sommeil sont nécessaires pour déterminer si les troubles du sommeil peuvent provoquer la maladie d’Alzheimer ou en accélérer l’évolution.- Un sommeil perturbé précède les symptômes d’Alzheimer. Si les troubles du sommeil sont très fréquents au cours de la maladie d’Alzheimer déclarée, une étude réalisée par Y-ES Ju et coll. a porté sur des sujets asymptomatiques (3). Elle suggère que le fait de moins bien dormir est un signe précoce annonciateur de la maladie à venir, bien avant les premiers signes cliniques mnésiques et cognitifs. L’association serait ainsi à double sens : les plaques bêta amyloïdes perturberaient le sommeil, et le manque de sommeil favoriserait la formation des plaques. L’étude a porté sur 145 sujets sains dont plus de 50 % avaient un antécédent familial de maladie d’Alzheimer à début tardif. Pour identifier ceux qui étaient atteints d’Alzheimer préclinique, les les auteurs se sont servis des taux de protéine bêta 42 amyloïde (AB42) mesurés dans le liquide céphalo-rachidien, un reflet précoce du dépôts de plaques, qui précède d’au moins 15 ans la survenue des premiers symptômes. Un sommeil de moins bonne qualité a été constaté chez les sujets qui avaient cette atteinte préclinique.- Un dépistage par le LCR possible 5 ans avant les premiers symptômes ? Le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer est difficile et la certitude est fondée sur l’anatomopathologie. Il n’existe pas encore de marqueur de la maladie « idéal » et exploitable à l’échelle de l’individu. Les dosages du peptide beta et de la protéine tau dans le LCR sont toutefois validés dans le cadre de la recherche. A. Moghekar et coll. (Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland) ont entrepris l’étude BIOCARD qui a porté sur les données du LCR collectées sur la période 1995-2005 chez 265 sujets sains âgés de 50 à 60 ans à risque élevé de développer la maladie (4).
Ces auteurs ont constaté qu’il s’écoule au moins 5 ans entre les premières modifications de ces biomarqueurs et l’apparition des symptômes de la maladie. Autrement dit, ces résultats plaident pour la faisabilité d’un dépistage précoce. Ces données sont les toutes premières données d’une étude programmée pour se poursuivre sur une vingtaine d’années.
Une surproduction modérée d’amyloïde-ß42.
L’hypothèse de la cascade amyloïde postule que la maladie d’Alzheimer est due à une production accrue ou une élimination réduite du peptide amyloïde-ß42 dans le cerveau, ce qui favorise l’agrégation d’amyloïde sous forme de plaques, toxique pour les neurones. Cette surproduction a été mise en évidence dans des modèles animaux de la maladie d’Alzheimer autosomique dominante (ADAD) causée par des mutations des gènes de la préséniline (PSEN1 et 2), mais cela restait à confirmer chez les individus porteurs des mutations PSEN. R. Potter et coll. (Washington University, St Louis, Missouri) ont utilisé une nouvelle technique de cinétique par marquage d’isotope stable pour quantifier la production et le renouvellement des isoformes du peptide amyloïde (5). Ils ont montré qu’une surproduction de 20 % seulement d’amyloïde-ß42 suffit pour s’accompagner une maladie d’Alzheimer précoce..
Références(1) Lambert JC, et al. Meta-analysis of 74,046 individuals identifies 11 new susceptibility loci for Alzheimer’s disease. Nat Genet. 2013 Oct 27. doi: 10.1038/ng.2802.(2) Spira AP, et al. Self-reported Sleep and ß-Amyloid Deposition in Community-Dwelling Older Adults. JAMA Neurol 2013.(3) Ju Y-ES. Sleep Quality and Preclinical Alzheimer Disease. JAMA Neurol 2013;70(5):587-593.(4) Moghekar A, et al. ; BIOCARD Research Team. CSF biomarker changes precede symptom onset of mild cognitive impairment. Neurology. 2013 Nov 12;81(20):1753-8.(5) Potter R, et al. Increased in vivo amyloid-ß42 production, exchange, and loss in presenilin mutation carriers. Sci Transl Med. 2013 Jun 12;5(189):189ra77.
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