« Si on met au point un test diagnostique et des marqueurs, on sort la maladie à corps de Lewy de la Préhistoire », se réjouit le Dr Rémy Genthon, directeur scientifique adjoint de la Fondation Recherche Alzheimer. Cette dernière soutient la mise au point d’une technique standardisée destinée à diagnostiquer la maladie à corps de Lewy à l’aide de la « Real Time-Quaking Induced Conversion » (RT-QuIC), déjà employée pour détecter le prion.
Trois centres cliniques (CHU de Lyon, Montpellier et Strasbourg) sont impliqués dans l’expérimentation. Cette initiative commune comportera l’harmonisation des procédures, le partage des réactifs (protéines standards et recombinantes) et des comparaisons interlaboratoires. La validation clinique sera effectuée sur des échantillons de liquide céphalo-rachidien (LCR) de patients atteints pour confirmer les performances diagnostiques.
La maladie à corps de Lewy est liée à l’accumulation d’une version anormale de la protéine présynaptique, l’alpha-synucléine, qui interrompt la transmission synaptique, puis détruit les neurones. Problème : cette protéine, présente en faible quantité même chez les malades, est très difficile à doser. L’astuce de la RT-QuIC consiste donc à favoriser son agrégation afin de la repérer plus facilement dans un extrait de LCR. Des travaux sont en cours pour adapter la technique à des échantillons sanguins.
Une maladie sous-diagnostiquée
Environ 200 000 Français sont concernés par la maladie à corps de Lewy, mais le sous-diagnostic rend cette évaluation délicate. Diverses publications avancent des chiffres compris entre 50 000 et 300 000 patients en France.
Cette nouvelle technique comblerait un grave manque dans la batterie d’outils nécessaires à une bonne prise en charge de la maladie, qui ne peut pas être diagnostiquée par l’imagerie. « Il n’y a pas de signe très évident comme l’atrophie visible chez les patients Alzheimer, explique le Dr Genthon. Il existe des techniques pour mesurer le déficit en dopamine mais c’est très lourd à mettre en place. »
Les patients atteints de maladie à corps de Lewy pâtissent encore d’une errance diagnostique, comparés à ceux atteints d’autres maladies neurodégénératives. « Il y a véritablement un effet de génération, explique le Dr Genthon. Si on a fait ses études de médecine avant les années 1990, il est possible qu’on n’ait jamais entendu parler de cette pathologie. » La première description de la maladie à corps de Lewy date des années 1970, mais les premiers critères cliniques ont été publiés par le Pr Ian McKeith de l’université de Newcastle en 1992, et il a fallu attendre 1996 pour avoir le premier consensus international sur des critères de la maladie.
La maladie à corps de Lewy se caractérise par une difficulté attentionnelle et organisationnelle et par d’autres symptômes mal repérés ou que les patients hésitent à aborder en consultation : hallucinations visuelles, troubles du comportement lors du sommeil paradoxal et fluctuations cognitives de la vigilance, parfois d’un instant à l’autre. « Au départ, les médecins hésitent entre dépression et Alzheimer à cause des pertes de repères topographiques et de la dépression associée », explique le Dr Genthon.
Or une erreur de diagnostic peut être lourde de conséquences. « Il est très important de diagnostiquer correctement, d’une part pour calmer l’anxiété des familles, d’autre part parce que les patients atteints de la maladie à corps de Lewy supportent très mal les benzodiazépines et les neuroleptiques », assure le Dr Genthon.
Des mécanismes physiopathologiques à explorer
Les causes physiopathologiques de la maladie à corps de Lewy sont encore méconnues. Certains chercheurs ont émis l’hypothèse que le gène APOE4 impliqué dans la maladie d’Alzheimer jouerait un rôle dans la maladie à corps de Lewy, mais d’autres, comme le Pr Frédéric Blanc, neurologue et co-responsable du Centre Mémoire de Ressources et de Recherche (CMRR) des hôpitaux universitaires de Strasbourg, estiment qu’il s‘agirait plutôt d’un facteur de risque.
D’autres pistes sont à explorer : il a par exemple été démontré une présence de phtalates plus importante dans le LCR des patients atteints, mais aucun lien n’a à ce jour été formellement établi. Il y a également des hypothèses sur une origine infectieuse, formulées à la suite de la découverte d’une atteinte des bulbes olfactifs.
Un programme de recherche fondamentale est en cours, grâce à un financement de la Fondation Recherche Alzheimer, pour mieux comprendre la relation entre la maladie à corps de Lewy et Alzheimer. « On a remarqué dans nos cohortes qu’environ la moitié des patients atteints d’Alzheimer avaient aussi la maladie à corps de Lewy. Nous voudrions comprendre pourquoi », indique le Dr Genthon.
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